Intervention de Florian Petitjean

Mission d'information Développement de l'herboristerie — Réunion du 11 juillet 2018 à 14h00
Audition de M. Florian Petitjean président du directoire de weleda france

Florian Petitjean, président du directoire de Weleda France :

Je suis président de Weleda France depuis le début de cette année, avant j'en étais le directeur général. Auparavant j'ai eu un long parcours dans le domaine des médecines naturelles, des médecines douces, des thérapeutiques complémentaires. Je n'aime aucun de ces termes, sources de confusion, même si je préfère le terme de thérapeutiques complémentaires. Qu'est-ce en effet que la médecine naturelle ? La médecine douce n'est pas toujours douce... J'ai vingt ans d'expérience dans ce domaine : j'ai commencé dans l'homéopathie au sein du laboratoire Lahning Labs, puis j'ai travaillé chez Dolisos Labs, puis chez Pierre Fabre, comme directeur général de Naturactive, et enfin j'ai rejoint le laboratoire Weleda, comme pharmacien responsable et président du directoire. C'est mon métier mais c'est aussi ma passion.

J'ai préparé un tableau qui répertorie, d'un côté, les produits à base de plantes qui sont commercialisés et, de l'autre, les différents statuts existants, afin d'illustrer la complexité de la réglementation. Parmi les produits, on trouve les plantes en vrac, les tisanes (on en compte à peu près 6 000 et elles sont assimilées à la même famille de produits), les poudres de plantes, les extraits de plantes, les huiles essentielles, pures, en mélange, ou en hydrolat, les teintures mères ou les produits apparentés, comme les dilutions utilisées en homéopathie ou les macérats glycérinés, utilisés notamment en gemmothérapie et enfin une série d'autres produits, comme les élixirs de fleurs, qui sont souvent dans un no man's land réglementaire. Si l'on considère les statuts, on a les médicaments, les compléments alimentaires, les aliments, qui peuvent avoir des allégations santé dans certains cas, les dispositifs médicaux, les biocides, l'homéopathie, les préparations magistrales, qui sont des médicaments, les préparations officinales, qui sont également des médicaments, les produits cosmétiques et toute une série de statuts ou de pseudo-statuts qui sont parfois utilisés pour des questions d'opportunité ou en raison du vide réglementaire.

Le panorama est donc assez complexe. Ainsi, une huile essentielle pourra être utilisée sous différents statuts : comme médicament, complément alimentaire, aliment, dans la mesure où elle contient des condiments, comme dispositif médical, biocide, cosmétique, préparation magistrale, voire comme préparation officinale - statut qui existe plus sur le papier que dans la réalité, parce qu'il repose sur un formulaire national ancien qui n'a pas été réactualisé alors que ce cadre offre de réelles perspectives. L'articulation entre les statuts et les familles de produits laisse souvent perplexe et les acteurs se perdent. Finalement les choix sont souvent liés à la volonté d'aller vite sur le marché et dépendent des coûts : obtenir le statut de médicament coûte beaucoup plus cher que de lancer un complément alimentaire. La partie réglementaire est devenue un enjeu stratégique pour les entreprises, car le choix sera déterminant pour le cycle de vie du produit.

Le principal marché est celui des compléments alimentaires, avec à peu près 1,8 milliard d'euros de chiffre d'affaires (CA) en France, un taux de croissance de l'ordre de 5 % par an, mais les compléments alimentaires à base de plantes ont une croissance de plus de 10 %, ce qui montre l'intérêt des consommateurs dès qu'un produit contient une plante. Le deuxième marché est l'homéopathie, qui n'utilise pas que des plantes, avec un chiffre d'affaires de 600 millions d'euros, une croissance annuelle de 2% ; c'est un marché très dépendant du climat et des effets saisonniers. Ensuite, la cosmétique naturelle représente un CA de 450 millions d'euros, avec un taux de croissance de plus de 8 % chaque année, en accélération, en raison des différents scandales sanitaires qui ont éclaté ces dernières années et des nombreux reportages dans les médias sur des produits présentés comme toxiques et qui effraient un petit peu la population. Tout cela concourt à créer un environnement propice au produit considéré comme naturel, ou entretient l'idée, contre laquelle je milite souvent, que tout ce qui est naturel est sans danger. Certes, la iatrogénie est faible avec les produits à base de plantes. Cependant les mésusages sont fréquents parce que ces produits peuvent être vendus dans de nombreux circuits : on en trouve dans les magasins bio, pionniers dans ce domaine, surtout lorsqu'il s'agit de produits biologiques, dans les parapharmacies, et dans les pharmacies, qui restent le circuit de distribution le plus important, avec un peu plus de 50 % des ventes, grâce à leur maillage territorial et parce que les consommateurs ont un besoin de réassurance, de proximité. Les ventes sur Internet augmentent aussi de façon très significative mais restent encore assez marginales, se montant à quelques centaines de millions d'euros si l'on regroupe l'ensemble des types de produits.

Le marché qui s'est le plus développé, ces dernières années, est celui des huiles essentielles, avec des taux de croissance de plus de 10 % chaque année : on en trouve aussi bien en pharmacie, que dans les magasins bio, de bien-être, sur Internet, chez Nature et Découvertes comme chez le boulanger du coin... Cela pose la question de l'encadrement et de la maîtrise ce circuit.

Le laboratoire Weleda dont la maison mère est en Suisse, est considéré comme le pionnier des cosmétiques biologiques et des médicaments conçus avec des produits d'origine biologique. Le laboratoire a un chiffre d'affaires de 400 millions d'euros dans le monde, dont près de 100 millions en France, première filiale du groupe. 60 % de notre activité provient de la cosmétique naturelle et biologique, le reste provient de la phytothérapie et d'une manière générale, des produits pharmaceutiques à base d'actifs naturels. On est installé en France depuis 1924, dans le Haut-Rhin, à Huningue.

J'ai rejoint ce secteur il y a vingt ans, à la fin de mes études, ce qui n'était pas un choix évident à l'époque. Pendant les premières années de ma carrière, on me regardait souvent avec un petit sourire en coin quand j'expliquais pourquoi je travaillais dans ce domaine. Aujourd'hui, c'est plutôt tendance. La notion de naturalité éveille beaucoup d'intérêts aussi bien de la part des professionnels de santé, que de la part des patients et des consommateurs.

Les intervenants sur ce marché sont très divers. Tout d'abord, il y a les médecins. Peu se qualifient de phytothérapeutes. La plupart des médecins qui s'intéressent aux plantes sont les médecins homéopathes, ils sont entre 4000 et 5000 en France. Ils s'intéressent à une approche globale de la santé, intégrant la prévention. Ils ont recours à l'homéopathie, à des produits à base de plantes, à des produits naturels, très souvent en complément des médicaments classiques. On trouve aussi des nutritionnistes ou des micro-nutritionnistes, qui combinent les plantes, les vitamines, les minéraux ou les oligo-éléments dans une approche globale visant à guérir ou à prévenir certains déséquilibres. Finalement le nombre de médecins spécialistes est assez limité, au regard des 200 000 médecins installés en France.

À la différence des médecins, les pharmaciens ont une formation qui est assez centrée sur la chimie des plantes, la pharmacognosie, la botanique, la phytochimie, et bien sûr la santé, la physiologie, etc. En sortant de leurs études, ils ont donc des bases solides pour pouvoir faire du conseil sur les plantes. Toutefois, avec le temps, cette compétence a tendance un petit peu à s'éroder parce qu'ils font beaucoup d'autres choses. Cela a laissé le champ à d'autres professionnels paramédicaux, que je ne sais pas comment qualifier car ils ne sont pas toujours reconnus : naturopathes, herboristes, qui se spécialisent dans ce domaine et deviennent de vrais experts dans la connaissance des plantes, depuis leur culture jusqu'aux conditions d'utilisation ou aux indications appropriées, même si le mot est réservé aux médicaments. Toutefois ils n'ont pas, malheureusement, cette connaissance de la santé, à laquelle il faut être très attentif parce que les plantes ne sont pas sans danger. Il existe en effet des contre-indications, des risques en cas d'interactions entre produits. Pour garantir la sécurité du consommateur, il importe autant de vendre des produits de qualité que de savoir conseiller les patients en parfaite connaissance de cause.

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