Intervention de Florian Petitjean

Mission d'information Développement de l'herboristerie — Réunion du 11 juillet 2018 à 14h00
Audition de M. Florian Petitjean président du directoire de weleda france

Florian Petitjean, président du directoire de Weleda France :

C'est très réglementé en effet. C'est aussi conforme à notre philosophie. Dès que les plantes sont récoltées, elles sont traitées à l'état frais, triées, mises à macérer, etc. Nous avons aussi des partenariats pour protéger la biodiversité, comme avec la petite Camargue alsacienne. Au niveau mondial, nous travaillons avec des fournisseurs qui ont aussi le label UEBT.

La recherche commence par l'agronomie. Nous avons nos ingénieurs agronomes, nos jardiniers. Nous cherchons à maîtriser la culture des plantes protégées, ce qui contribue à préserver l'environnement, mais ce n'est pas toujours simple ou possible. La recherche vise aussi à valoriser les plantes. Il ne s'agit pas comme dans la pharmacie traditionnelle d'isoler une molécule pour fabriquer un médicament mais de comprendre comment fonctionnent les extraits de plantes. Nous travaillons sur la sécurité, avec des toxicologues. Ensuite vient le stade des études précliniques pour identifier les interactions, apprécier les conditions de sécurité, vérifier l'efficacité. En cosmétique nous n'avons pas le droit de faire des tests sur des animaux. Enfin vient le stade des études cliniques. Vu l'organisation de notre groupe, cette phase n'est pas réalisée en France. Elle est gérée par les professionnels médicaux qui travaillent sur la valorisation clinique des produits. Notre investissement en recherche n'est pas comparable à celui de la pharmacie traditionnelle de synthèse pour des raisons économiques, parce que les plantes ne sont pas brevetables. Il n'y a pas non plus de blockbusters dans le domaine des plantes. Notre chiffre d'affaires repose sur des centaines de produits.

J'en viens à la réglementation. Pour les plantes, le processus de vérification des allégations santé au niveau européen a commencé il y a de nombreuses années, on ne sait pas quand il finira. Reconnaître les usages traditionnels des plantes marquerait la fin d'une insécurité réglementaire et économique pour les acteurs.

S'agissant des médicaments, il conviendrait peut-être aussi de simplifier les procédures même simplifiées d'autorisation de mise sur le marché (AMM), qui sont longues et coûteuses, et sont, dans les faits, contournées par les acteurs économiques dans la mesure où il est possible de lancer plus simplement des compléments alimentaires. Si certaines allégations santé déposées il y a longtemps sont parfois un peu fantaisistes, souvent l'usage traditionnel, connu de tous n'est pas reconnu. Les huiles essentielles sont utilisées dans de vieux médicaments mais je ne connais pas de médicament lancé récemment qui en contienne : nul n'a intérêt à investir des centaines de milliers d'euros pour obtenir une AMM avec une allégation restrictive, alors qu'il est possible de lancer un complément alimentaire. Au final, des huiles essentielles vendues comme compléments alimentaires sont en fait des cosmétiques par destination, utilisées en mélange avec une huile végétale. Elles peuvent aussi être utilisées en diffusion. Or, si le produit est vendu sous forme de complément alimentaire, il est censé être utilisé comme tel et le fabricant ne peut pas avertir le patient sur les indications ou les contre-indications liées à d'autres usages : par exemple, la cannelle vendue comme condiment, peut aussi être vaporisée mais elle est très irritante pour les voies respiratoires. De même il n'est pas possible, si on vend une huile essentielle à base d'agrumes comme complément alimentaire, d'indiquer sur l'emballage qu'il ne faut pas l'utiliser sur la peau en s'exposant au soleil alors que chacun sait que les agrumes sont photo-sensibilisants. Ainsi, les catégories réglementaires ne tiennent pas toujours compte de la réalité des besoins et des usages et empêchent de faire figurer des mises en garde sur des produits susceptibles d'être utilisés de différentes façons. Les huiles essentielles, en dépit de leurs vertus, peuvent être toxiques en cas de mésusage. Il est dommage de ne pas pouvoir mieux informer le consommateur. Les laboratoires se sont réunis d'ailleurs au sein d'un consortium pour avancer sur ce sujet en lien avec les autorités de santé.

Je suis aussi vice-président du syndicat national de la préparation pharmaceutique (SN2P) qui regroupe les quelques centaines de pharmaciens qui font encore des préparations magistrales - produits réalisés à façon, sur prescription, avec des autorisations des agences régionales de santé (ARS) -, ou des préparations officinales, coeur du métier de pharmacien. Cette dernière pratique a quasiment disparu car le formulaire national est inadapté. Les procédures sont désormais fiables. Pourtant, le pharmacien, qui est un professionnel de santé, n'a pas le droit de fabriquer à la demande de son client un mélange d'huiles essentielles, alors qu'il a tout l'outillage pour le faire et alors que le consommateur peut en trouver dans tous les magasins de bien-être ou sur internet... Il peut juste fabriquer un mélange de plantes en vrac en respectant des monographies fixées.

Je ne suis pas un expert de la réglementation européenne, je ne peux que souhaiter que les procédures soient plus rapides, car le facteur temps est essentiel.

Faut-il créer un diplôme d'herboristerie ? Je crois qu'il faudrait d'abord sensibiliser les médecins, lors de leur formation initiale, à l'usage des plantes, aux bienfaits qu'elles peuvent apporter au quotidien, pour leur permettre de conseiller leurs patients et les mettre en garde sur les risques potentiels, en cas de multi-usages notamment. Beaucoup de patients, en effet, sont polymédiqués. Le millepertuis, par exemple, n'est pas indiqué pour une femme qui prend la pilule. Les pharmaciens ont des bases solides. Ceux qui le souhaitent peuvent suivre un diplôme universitaire.

Aujourd'hui, beaucoup de gens pratiquent le conseil sur les huiles essentielles et les plantes. C'est une réalité. Il faut fixer un cadre pour encadrer, non bloquer. Cela peut passer par la formation ou par la création d'un diplôme d'herboriste. Il ne faudrait cependant pas empêcher les pharmaciens de revendiquer leur statut car ils sont herboristes. En revanche on pourrait ouvrir cette compétence à d'autres professions paramédicales. Dans tous les cas, la sécurité du consommateur doit nous guider. Beaucoup de gens connaissent bien les plantes, mais ils ne connaissent pas forcément les médicaments, les interactions, ne sont pas compétents en santé, ne sont pas en lien avec les médecins. Il ne faut pas courir le risque d'entrainer une perte de chance pour les patients. Le conseil en matière de bien-être, de prévention, de gestion du capital santé est une chose, mais dès que l'on commence à entrer dans le champ de la maladie, c'est le médecin et le pharmacien qui sont compétents. Il faut trouver un équilibre. La formation devrait s'articuler autour des aspects réglementaires, du droit de la santé, de la botanique, de la pharmacognosie, de la physiologie, de la chimie, de la biologie, de la pharmacologie, etc. En fait cela ressemble beaucoup aux études de pharmacie ! Mais on pourrait imaginer que d'autres professionnels bien formés puissent intervenir.

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