A la Réunion, quelle est la proportion de la population qui se soigne avec des plantes ? Leur usage s'accroît-il aussi massivement qu'en métropole ? Je comprends que vous menez des recherches sur l'usage des plantes face aux épidémies : qu'en est-il ? En Belgique, le métier d'herboriste se limite à du conseil. Qu'en pensez-vous ?
Dr Claude Marodon. - Parmi les plantes inscrites à la pharmacopée, 22 sont à l'origine d'une centaine de programmes de recherche : les grands organismes attendent cette inscription avant d'investir. Nous avons eu l'épidémie du chikungunya en 2006 et 2007, et à présent sévit la dengue. Dans ces deux cas, il n'existe aucun remède ni aucun vaccin. La seule option est donc de recourir aux remèdes traditionnels, qui doivent encore faire l'objet d'une validation scientifique mais ont déjà montré leur efficacité dans l'amélioration des symptômes. En tous cas, refuser d'utiliser les plantes médicinales, alors qu'on n'a rien d'autre, serait une absurdité.
Il est important aussi de signaler les toxicités. Par exemple, trompées par des fake news sur Internet, où l'on prétend que le corossol soigne le cancer, des familles viennent souvent m'en demander. C'est notre rôle de professionnels de santé que d'expliquer aux patients pourquoi certaines plantes sont des poisons et des toxiques violents. Nous travaillons aussi autour de la pathologie, sur la récupération, l'activité physique, les régimes et l'hygiène de vie.
Quant aux statistiques d'utilisation, une enquête a été réalisée par le département en 2004 et 2005, d'autant plus intéressante que c'était avant l'épidémie de chikungunya. Sur 1 000 personnes, 870 utilisaient alors les plantes pour se soigner.
L'île de la Réunion est habitée par une population multiraciale et d'origines diverses, avec des apports de l'Inde, de Madagascar, de la Chine, de l'Australie, d'Europe et d'Amérique du Sud. Cela explique en partie la richesse exceptionnelle de notre pharmacopée.