Intervention de Nicolas Bonnault

Commission d'enquête mutations Haute fonction publique — Réunion du 11 juillet 2018 à 17h30
Audition commune de Mme Marie-Anne Barbat layani directrice générale de la fédération bancaire française et de Mm. Gilles Briatta secrétaire général de la société générale et nicolas bonnault associé-gérant de rothschild and co

Nicolas Bonnault, associé-gérant de Rothschild & Co :

À la sortie de l'École polytechnique, que j'ai intégrée en 1984, j'ai fait le choix du corps des ponts : il m'attirait pour son ouverture, sa pluridisciplinarité et la diversité des carrières. J'étais cependant plus intéressé par la finance que par les métiers traditionnels de la construction, et par les fonctions de conseil plutôt que managériales.

À ma sortie de l'École nationale des ponts et chaussées en 1990, je me suis donc tourné vers le ministère des finances. Mon sous-directeur m'a dit que j'étais là pour deux ans maximum car, au Trésor, on n'aimait pas trop les ingénieurs... Je suis pourtant resté sept ans à Bercy, au service international de la direction du Trésor, puis au service des participations de l'État, avant de rejoindre le cabinet du ministre de l'économie et des finances en 1995 comme conseiller industriel. Je savais que ce serait mon dernier poste dans l'administration, faute de débouchés à la direction du Trésor pour les ingénieurs issus des corps techniques.

À Bercy, je me suis impliqué dans des opérations de privatisation et dans la supervision des entreprises publiques. Je me suis intéressé aux sujets d'ingénierie financière et aux mouvements de respiration du secteur public, ce qui m'a décidé à rejoindre une banque d'affaires, Rothschild & Co, en 1997. J'en suis associé-gérant depuis 2003.

À l'issue de mon entretien devant la commission de déontologie, j'ai fait l'objet d'un avis favorable sans réserve. Mes premières années dans la banque furent intenses, car je fus obligé de combler un déficit de compétences par rapport à mes pairs et de développer les qualités propres au métier de banquier d'affaires.

Je suis désormais membre du comité exécutif de la partie « banque d'affaires » de Rothschild à Paris, et supervise les sujets de ressources humaines. Aussi, je souhaite vous donner quelques éclairages sur notre politique de recrutement.

Rothschild Martin Maurel, la branche française du groupe Rothschild & Co, compte 1 200 collaborateurs. L'activité « banque d'affaires » emploie 235 personnes, dont 170 banquiers d'affaires. Sur cet effectif, je serai le seul ancien fonctionnaire au 31 juillet 2018, après le départ de mon associé Sébastien Proto. Depuis 2013, nous avons recruté 180 banquiers d'affaires, et parmi eux un seul fonctionnaire, qui nous a quittés depuis.

Notre politique de recrutement est très sélective. Nous sommes à la recherche de talents - il y en a beaucoup dans l'administration - et de qualités d'écoute, de réflexion, de jugement, d'analyse, de conseil.

De 2015 à 2017, nous ne sommes pas intervenus en tant que conseil de l'État et n'avons perçu aucun honoraire à ce titre. Quant aux honoraires des entreprises publiques, ils ont représenté 2,5 % de notre chiffre d'affaires.

Permettez-moi de vous livrer quelques réflexions plus personnelles.

Contrairement aux élèves de l'ENA, les futurs fonctionnaires des grands corps techniques ne reçoivent pas de formation spécifique à la fonction publique. À la sortie de l'École polytechnique, par exemple, l'État est un employeur potentiel parmi d'autres. Aujourd'hui, la concurrence est vive ; les jeunes générations de polytechniciens sont davantage attirées par les start-up. Si l'État n'est pas en mesure de proposer des perspectives de carrière attractives, cette source se tarira ; c'est d'ailleurs déjà le cas.

L'attractivité des carrières pour les ingénieurs des grands corps techniques passe, à mon sens, par une réflexion sur les missions qui peuvent leur être confiées dans une logique interministérielle, et par le juste dimensionnement des postes ouverts à la sortie des écoles aux besoins de l'État. Par exemple, a-t-on besoin de recruter autant d'ingénieurs des ponts, des eaux et des forêts aujourd'hui qu'il y a trente ans, dès lors que les collectivités territoriales assurent un grand nombre des missions d'équipement autrefois dévolues à l'État ? Faut-il les cantonner à des fonctions au sein des administrations relevant du ministère de la transition écologique et solidaire, alors que la pluridisciplinarité de la formation au sein de l'École nationale des ponts et chaussées et de l'École Polytechnique leur permettrait d'exercer des fonctions interministérielles ?

Par ailleurs, il est impératif que l'État mette en place de véritables programmes de gestion de carrière.

S'agissant du pantouflage, on ne répondra pas aux problématiques de carrière des générations Y et Z avec des raisonnements applicables à la génération X ou aux baby boomers. Si les quinquagénaires ont un fort attachement à leur employeur, les jeunes générations ont besoin de nouveauté et changent fréquemment d'employeur. Il y a ainsi eu, en cinq ans, une centaine de départs de notre banque. Si l'État veut continuer à attirer les meilleurs talents, il doit répondre à ces attentes de mobilité et non les restreindre.

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