Intervention de Didier Maus

Commission de l'aménagement du territoire et du développement durable — Réunion du 11 juillet 2018 à 10h30
Table ronde relative à l'inscription des enjeux climatiques et environnementaux dans la constitution

Didier Maus :

Je voudrais simplement répondre en quelques mots à trois questions.

Première question : la Constitution telle que nous la connaissons a-t-elle constitué un obstacle à la mise en oeuvre d'une politique audacieuse de protection de l'environnement et de la biodiversité, et de lutte contre le réchauffement climatique ? La réponse est non : 26 lois sur le changement climatique ont été adoptées sans difficulté constitutionnelle.

Un certain nombre de révisions de la Constitution sont justifiées par des obstacles constitutionnels liés à la jurisprudence du Conseil constitutionnel, par exemple sur la parité entre hommes et femmes. En l'espèce, je n'ai pas relevé d'obstacle constitutionnel qui empêcherait le Parlement aujourd'hui, à son initiative ou à celle du Gouvernement, d'être plus audacieux en matière d'environnement.

La Constitution comprend la Charte de l'environnement depuis treize ans. Peut-être faut-il la compléter, mais dire qu'il faudrait introduire l'environnement dans la Constitution aujourd'hui est une fausse nouvelle, une fake news. L'environnement fait déjà partie de notre Constitution.

Michel Prieur a commencé son propos en évoquant les raisons scientifiques : je suis totalement d'accord avec lui sur l'évolution du contexte scientifique. Je rappellerai une jurisprudence du Conseil constitutionnel, qui s'est fondé sur l'article 11 de la Déclaration de 1789 pour garantir la liberté de communication à la télévision. Or il est évident qu'à l'époque de la Révolution, il n'y avait pas de télévision ! Dire qu'il faut ajouter une petite phrase à chaque étape d'un progrès scientifique me paraît contraire à la stabilité juridique.

Deuxième question : le choix entre l'article 34 et l'article 1er de la constitution. Ma réponse rejoint celle de Michel Prieur : ajouter à l'article 34 les mots « et de la lutte contre le changement climatique », revient à opérer un changement de compétences, et non de fond. Cela n'ajoute pas grand-chose, car, depuis toujours, le Parlement est compétent en matière environnementale, quel que soit leur contenu.

Pour ce qui concerne l'argument de remplacer les termes « principes fondamentaux » par « règles », chacun sait qu'en 1958 les mots « principes fondamentaux » ont été employés pour ne pas répéter « règles » trois fois. La jurisprudence du Conseil constitutionnel a d'ailleurs quasiment assimilé les deux. Il n'y a donc pas là un obstacle à ce que le Parlement fasse des lois détaillées et ambitieuses en matière d'environnement. Supprimer la proposition du Président de la République d'introduire une disposition à l'article 34 paraît raisonnable.

Faudrait-il alors l'introduire à l'article 1er ? Cet article 1er, tel qu'il figure actuellement dans la Constitution, n'est pas l'article d'origine, qui faisait référence aux liens entre la France et les pays de l'ex-communauté africaine et malgache. Dire qu'il y a un passé de l'article 1er est vrai, mais ce n'est pas celui que l'on rappelle tous les jours.

L'article 1er fixe des principes, et non un objectif politique. Est-ce bien son rôle de fixer une ligne politique et non pas simplement des grandes valeurs ? Que l'on y introduise, comme le propose la commission des lois de l'Assemblée nationale, l'interdiction de la discrimination fondée sur le sexe entre totalement dans la rédaction traditionnelle de cet article. Mais faut-il en faire un article plus dynamique ? La question est ouverte.

Quelle rédaction faudrait-il adopter ? Je suis d'accord sur le fait que le mot « agit » n'a pas de contenu juridique très fort. Néanmoins, il s'agit d'une phrase programmatique, qui n'est pas rédigée pour devenir du droit positif. Les députés et les sénateurs devront essayer de parvenir à une formulation plus positive.

Il ne me paraît donc pas indispensable de modifier l'article 1er pour mener cette politique environnementale, que nous souhaitons tous.

Troisième question : faut-il modifier la Charte de l'environnement ? Je suis sur ce point plus nuancé que pour mes deux réponses précédentes. Pourquoi pas ? Aucune objection juridique ne nous en empêche. Une seule objection avait été soulevée, mais sur un texte ancien : il avait été proposé à François Mitterrand en 1989 de modifier la Déclaration de 1789, notamment pour y ajouter un article sur l'environnement. Il aurait répondu, paraît-il, qu'on ne modifie pas un monument historique - une formule qui clôt le débat ! La Charte de 2005 n'a pas atteint encore le siècle nécessaire pour devenir un monument historique...

On pourrait faire deux choses sans grand dommage. Au cinquième considérant de la Charte qui traite de la diversité biologique, on pourrait ajouter une disposition sur le réchauffement climatique et les évolutions qui ont lieu depuis 2005. L'article 10, aux termes duquel « la présente Charte inspire l'action européenne et internationale de la France », pourrait être complété, en y insérant ce qui est proposé pour l'article 1er de la Constitution sur les objectifs de la politique de la France en matière d'environnement et de biodiversité.

Il faut tout de même faire attention à éviter toute contradiction entre la Charte de 2005 et des règles qui auraient été introduites dans le corps de la Constitution ultérieurement. Il existe un texte constitutionnel sur l'environnement, pourquoi ne pas simplement le compléter ?

Je le dis très franchement, je n'ai pas été convaincu par ce que j'ai lu dans de bons journaux, même lorsque les auteurs sont d'éminents amis qui siègent autour de cette table... Mais peut-être, dans quelques instants, mon opinion aura-t-elle changé !

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