Ces principes environnementaux doivent s'appliquer dans toute l'Europe, et c'est déjà le cas. Ils sont mentionnés dans les traités européens, et une immense majorité des pays du globe y pensent. Je travaille sur un projet de Pacte mondial pour l'environnement, qui reprendrait les grands principes de notre Charte de l'environnement dans un traité international. En mai dernier, l'Assemblée générale de l'ONU a voté une résolution ouvrant les négociations sur ce pacte ; 144 États y étaient favorables, cinq États seulement contre - les États-Unis, la Russie, la Syrie, la Turquie et les Philippines. Le monde est en train de changer.
Inscrire dans la Constitution la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne est séduisant mais dangereux juridiquement : on mélangerait deux catégories, un traité et une Constitution. Quels seraient l'interprète et le juge des deux textes ? Actuellement, le juge ordinaire - dont le Conseil d'État - examine la conformité des lois aux traités, tandis que le Conseil constitutionnel examine la conformité des lois à la Constitution.
Les objectifs de développement durable sont un outil de programmation économique adopté par les Nations-Unies, et non pas juridique. Inscrire du droit souple dans la Constitution serait gênant. Et la notion de développement durable est déjà présente à l'article 6 de la Charte de l'environnement.
L'article 61-1 de la Constitution présente une difficulté : la question prioritaire de constitutionnalité n'est prévue que pour les droits et libertés. Une jurisprudence du Conseil constitutionnel l'interprète - et c'est discutable - restrictivement en matière environnementale.
Se pose également une interrogation légistique : l'article 1er commence à ressembler à un inventaire à la Prévert, notamment car les autres articles de la Constitution se concentrent sur la procédure et l'organisation des pouvoirs publics ; aucun n'évoque les principes fondamentaux. Certes, cet article 1er pourrait devenir le réceptacle de toutes ces dispositions. Nous pourrions sinon créer un nouvel article 1-2, qui complèterait l'article 1 centré sur l'identité de la République - mais cette solution est plus complexe.
La formulation de Nicolas Hulot était très bonne, car englobante : « la République assure un niveau de protection de l'environnement élevé. » On pourrait y ajouter le principe de non régression - ou un niveau de protection élevée et en constante progression - et ensuite « notamment en ce qui concerne la biodiversité et la lutte contre le changement climatique » - car ce ne sont que des illustrations. La rédaction de l'Assemblée nationale me gêne, car environnement et biodiversité ne sont pas deux choses différentes.
Autre proposition, vous pourriez ajouter un adjectif : « La République est indivisible, laïque, démocratique, sociale et écologique ». Cela l'inscrirait dans l'ADN de notre République, avec la responsabilité de protéger la res publica, le bien commun. Ce serait un acte juridique utile, qui inscrirait la protection de l'environnement au fronton de notre Constitution et aurait une répercussion sur les requérants.