Je débuterai mon propos avec une rapide présentation du syndicat national des compléments alimentaires (Synadiet). Cette instance regroupe 243 sociétés représentatives, sur l'ensemble du territoire national, des professions de la filière incluant les producteurs, les transformateurs, les façonneurs, jusqu'aux laboratoires de contrôle. Notre rôle est de représenter la profession, de faire avancer la réglementation, de promouvoir, de faire connaître et de valoriser les produits auprès des professionnels et des autorités.
Un complément alimentaire est un produit présenté sous forme de dose (gélule, ampoule, sachet), constitué de nutriments, d'acide gras ou encore de plantes. Ainsi, 64 % des produits commercialisés en France contiennent au moins une plante. Le complément alimentaire se place entre les aliments, dont la fonction est de nourrir, et le médicament qui a pour fonction de guérir. Relevant de la législation alimentaire, ce produit a pour finalité d'apporter un confort et se trouve donc dans une sphère physiologique et non thérapeutique. Le consommateur décide de l'acheter, en général sans remboursement, dans une démarche volontaire afin d'entretenir sa santé.
Les plantes sont utilisées traditionnellement pour prévenir ou guérir les affections du quotidien. Dès le premier siècle de notre ère, les vertus des plantes ont été consignées dans des ouvrages. Il s'agit de plantes ou d'épices qui sont aujourd'hui dans le domaine alimentaire, comme la sauge, le safran ou le curcuma. La connaissance s'est étoffée de manière empirique. Jusqu'en 1941, un diplôme d'herboriste existait en France, avant qu'il ne soit supprimé par le régime de Vichy.
Les compléments alimentaires représentent 1,8 milliard d'euros d'achats en sortie caisse, toutes taxes comprises. Ceux-ci sont achetés, à hauteur de 51 %, en pharmacie ; le reste étant partagé entre parapharmacie, grandes surfaces, magasins diététiques, magasins bio ou franchisés bio, ainsi qu'à distance via le e-commerce. Ce marché est relativement jeune : apparu en France à la fin des années 80, il concernait avant tout les vitamines et minéraux. Les plantes sont apparues dans les compléments alimentaires à la fin des années 1990, avec une accélération à partir de la décennie 2010. Les officines ont développé le marché ; l'essentiel des ventes s'effectue toujours sous le contrôle des pharmaciens
Ce marché croît annuellement de 4 à 6 % malgré un contexte économique morose ; cette tendance se retrouve dans d'autres pays européens et traduit la volonté des consommateurs de prendre en main l'entretien de leur santé. Les acheteurs sont souvent des femmes, issues de catégories socio-professionnelles élevées, pour lesquelles l'hygiène de vie est essentielle.
En France, la culture des plantes médicinales et aromatiques représente 85 millions d'euros. Notre pays importe également des plantes exotiques, puisque, d'une part, tout ne pousse pas, ou suffisamment, sur le sol français et que, d'autre part, la filière est encore récente et ne répond pas à tous les besoins.
La plante est un élément vivant, actif et doit s'accompagner de mesures de contrôle. Elle peut présenter une charge bactérienne importante ainsi que des contaminants. Il importe ainsi de mettre sur le marché des produits sûrs pour le consommateur.
La réglementation a été élaborée à la fin des années 1990. La directive européenne 2002/46/CE a permis de définir un cadre commun pour la définition et l'étiquetage des compléments alimentaires. Elle a été transposée par un décret de 2006 relatif aux vitamines-minéraux, qui a permis de notifier les produits auprès de la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) et d'inclure des plantes autorisées dans d'autres Etats membres. Cette direction a dressé une liste de 541 plantes sur la base de laquelle un arrêté spécifique a été publié en 2014. Cet arrêté « plantes » du 24 juin 2014 établit la liste des plantes, autres que les champignons, autorisées dans les compléments alimentaires et les conditions de leur emploi, en précisant notamment les types et parties de plantes, les substances à surveiller, les actifs et les précautions d'emploi qui doivent figurer sur les emballages. Ce travail de recensement, certes long, a permis d'autoriser la vente libre des plantes, avec un degré de sécurité suffisant.
Le règlement n° 432/2012 du 16 mai 2012 sur les allégations est également structurant, mais ne concerne pas encore les plantes. Celles-ci sont encore sur une liste d'attente en cours d'examen.
Enfin, un dernier texte de 2010, relatif à la nutrivigilance, concerne l'ensemble du cycle de vie d'un produit : l'ingrédient, la formulation, la fabrication, la commercialisation et, enfin, la post-commercialisation. En effet, si un effet secondaire est remarqué par un consommateur, il peut le signaler soit à un professionnel de santé qui doit le répertorier auprès de l'agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (ANSES), soit au laboratoire qui doit également faire remonter l'information pour l'analyser ; cela sert de base aux avis mentionnés sur les étiquetages.
Sur les plantes elles-mêmes, plusieurs étapes sont du ressort des opérateurs. L'agriculteur va récolter une plante, la sécher et la contrôler. Le façonneur va ensuite recevoir la matière ; pour les plantes, il va procéder à une extraction traditionnelle, très souvent avec de l'eau ou un degré hydro-alcoolique limité. Le laboratoire doit vérifier la qualité des produits qu'il reçoit et veiller au respect des paramètres de sécurité tout au long de leur fabrication.
Une même plante peut être utilisée à la fois en alimentaire, en médicament ou pour la fabrication de compléments alimentaires, selon des teneurs diverses, les différentes parties de plantes ou différents types d'extraction.
Aujourd'hui, si l'arrêté plantes permet de commercialiser au moins 541 plantes en France, les listes ne sont pas harmonisées au niveau européen. Ainsi, la racine d'une plante peut être autorisée en France, tandis que seule la feuille le sera dans un autre État. Ce travail énorme d'harmonisation des listes est nécessaire pour une libre circulation plus aisée des produits au sein de l'Union européenne. En outre, les allégations de santé sont en attente : si treize vitamines sont reconnues dans toute l'Europe, le nombre de plantes est beaucoup plus important et les listes sont très hétérogènes. Or, nous ne disposons pas sur toutes les plantes d'études cliniques d'un niveau scientifique attendu, c'est-à-dire analogue à celui des médicaments. Il n'existe ainsi pas d'étude clinique sur l'effet transit du pruneau. Faute d'un recul scientifique avéré et documenté, une insécurité d'ordre économique perdure.
A-t-on vraiment besoin d'une allégation ? Si les consommateurs connaissent globalement certaines plantes, leurs effets leur sont plutôt méconnus. Les produits doivent ainsi présenter des indications, afin d'éviter toute confusion ou mésusage, tant pour le consommateur que le professionnel de santé. C'est la raison pour laquelle le Synadiet recommande, au niveau européen, de traiter les plantes de manière spécifique et non analogue aux autres substances chimiques. Ce texte européen doit comprendre à la fois des volets allégation et sécurité afin de garantir le libre accès à ces plantes. Créons un texte, à l'instar des arrêtés français et belges, et étoffons la liste des critères de sécurité.
Enfin, le consommateur exprime une demande accrue de produits naturels en réponse à une tendance de fond depuis quinze ans qui privilégie les produits doux et les ingrédients naturels aux produits chimiques. Ainsi, le tonus et la vitalité, le sommeil et le stress, l'articulaire, la digestion ou la circulation, sont des domaines santé où émerge une demande de compléments alimentaires. Il faut que les professionnels de santé bénéficient d'une formation spécialisée, qui n'est pas dispensée dans les facultés de médecine. D'autres professions, comme les herboristes ou les naturopathes, doivent également être considérées. Ces professionnels doivent être bien formés sur les plantes. Ne peut-on pas prévoir la même gradation avec les pharmaciens que celle qui existe entre les diététiciens et les médecins nutritionnistes ?