Intervention de Simon Sutour

Commission des affaires européennes — Réunion du 12 juillet 2018 à 10h00
Élargissement — Déplacement en serbie et au monténégro : rapport d'information de mm. jean bizet claude kern et simon sutour

Photo de Simon SutourSimon Sutour, rapporteur :

Notre président Jean Bizet, notre collègue Claude Kern et moi-même, nous sommes rendus en Serbie puis au Monténégro à la fin du mois de mai, afin de faire le point sur ces deux pays candidats à l'adhésion à l'Union européenne.

Nous avions souhaité nous rendre dans la région quelques jours après le sommet Union européenne-Balkans occidentaux tenu à Sofia le 17 mai. Si ce sommet n'a rien annoncé de nouveau concernant les processus d'adhésion, nos interlocuteurs avaient tous en tête la nouvelle date d'entrée éventuelle dans l'Union évoquée depuis la stratégie pour les Balkans de la Commission européenne du 6 février dernier, à savoir « 2025 au plus tôt, si toutes les conditions sont réunies ».

À Belgrade, les plus hautes autorités serbes nous ont tenu un discours très raisonné à ce sujet. Le président de la République Aleksandar Vuèiæ et la Première ministre Ana Brnabiæ nous ont dit « comprendre » la situation actuelle de l'Union européenne et la priorité donnée à l'approfondissement. Ils nous ont aussi indiqué que les grands progrès réalisés dans la modernisation du pays correspondaient d'abord à un choix de la société serbe elle-même. Pour qui connaît un peu la région, on ne peut toutefois pas ignorer la lassitude de l'opinion publique qui rêve de rejoindre l'Union depuis le sommet de Thessalonique de 2003 - il y a plus de 15 ans ! Il a fallu attendre 2012 pour ouvrir les négociations. On parlait de 2020 et maintenant c'est 2025 « au plus tôt ». Ils ont l'impression que l'Union les fait un peu lanterner...

Les discours entendus de nombreux parlementaires serbes étaient moins politiquement corrects, et l'on sentait poindre lassitude et reproches vis-à-vis de l'Union. Ici, nous avons l'impression que l'adhésion est pour eux la seule option possible, comme le Graal. Mais ce n'est pas vrai. Le soutien de la population serbe à l'adhésion a nettement baissé, et dépasse à peine les 50 %. Or l'Union européenne a pris des engagements vis-à-vis de ces pays, à la suite de la guerre de l'ex-Yougoslavie...

Pour le reste, la Serbie demeure le pivot des Balkans occidentaux, dont elle est de loin le pays le plus peuplé, avec 7 millions d'habitants. Sa langue est la plus parlée, notamment en Bosnie et au Monténégro. Elle a aussi largement hérité des structures solides de l'État yougoslave et l'on sent, lors de chaque rencontre ou visite dans les institutions, un État très structuré. Si le pays est largement intégré de fait à l'économie européenne - avec plus de 70 % de ses échanges et de nombreux travailleurs expatriés - les liens politiques et de coeur avec la Russie restent tangibles, notamment par la fameuse solidarité orthodoxe. Le pays attire aussi les investissements des pays du Golfe, de la Turquie et de la Chine.

Du point de vue européen, les progrès à accomplir portent toujours sur deux sujets majeurs. Tout d'abord, la mise en place d'un État de droit répondant à nos standards. Tandis que la politique de rigueur macroéconomique du pays est plutôt couronnée de succès et que la société se modernise à vue d'oeil, certaines pratiques demeurent et ont même tendance à s'aggraver, comme en témoigne l'inscription récente du pays sur la liste grise du Groupe d'action financière (GAFI) en matière de blanchiment. Il faudra aussi suivre de près la révision constitutionnelle en matière d'indépendance de la justice, et notamment la façon dont sera respecté l'avis rendu le 22 juin dernier par la Commission de Venise.

Nous retenons de notre réunion avec des journalistes indépendants, des membres de l'opposition et des associations qu'une des difficultés est le changement d'habitude et de comportements sur des sujets pour lesquels la Serbie n'a pas d'antécédents auxquels se référer. En matière de presse par exemple, la législation est satisfaisante mais il n'est pas évident de construire une culture de liberté des médias à partir de rien ! Ce n'est pas seulement un problème de mauvaise volonté. Nous, pays anciens de l'Union, donnons des leçons, mais nous sommes parfois aussi confrontés à ces problèmes.

Le Kosovo est un sujet très regardé par Bruxelles, avec le fameux « chapitre 35 ». Jusqu'à maintenant, on a envoyé aux serbes le message suivant : soit ce chapitre est appliqué, soit la Serbie n'entre pas dans l'Union. Nous avons pu faire le point de la situation avec le Président Vuèiæ, quelques jours avant qu'il n'annonce la tenue d'un référendum sur le sujet. Attention à ne pas oublier la responsabilité de la partie kosovare dans les difficultés actuelles du processus de normalisation. L'Union européenne doit continuer à encourager les deux parties, plutôt que d'avoir un discours à géométrie variable. Jean-Claude Juncker ne veut pas d'une Union à 36 pays, qui rassemblerait de tous petits pays, mais il a toutefois participé à la création du Kosovo. Il faudrait être cohérent dans tous les domaines !

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