Intervention de Claude Kern

Commission des affaires européennes — Réunion du 12 juillet 2018 à 10h00
Élargissement — Déplacement en serbie et au monténégro : rapport d'information de mm. jean bizet claude kern et simon sutour

Photo de Claude KernClaude Kern, rapporteur :

Après Belgrade, nous nous sommes rendus avec Simon Sutour, à Podgorica, capitale du Monténégro. Petit pays de seulement 600 000 habitants, cette ancienne province serbe est devenue indépendante en 2006. Le Monténégro nous offre deux visages.

D'un côté, c'est un peu le premier de la classe de la région. C'est le pays le plus avancé dans le processus d'adhésion à l'Union européenne ; il a adopté unilatéralement l'euro comme monnaie nationale, et il est désormais membre de l'OTAN. L'ensemble des nationalités y coexistent pacifiquement, au point que ce petit État peut jouer un rôle de médiateur et de facilitateur dans la région où toutes les plaies liées à la dislocation de la Yougoslavie ne sont pas encore pansées. Pays ouvert et tourné vers l'ouest, le Monténégro joue déjà le rôle de continuité naturelle de la Croatie pour nombre de touristes, en particulier français.

D'un autre côté, le Monténégro fait figure d'État fragile. Notre collègue Simon Sutour, qui était venu dans le pays en tant que président de la commission en 2014, a perçu cette fois un renouvellement positif des responsables politiques et des fonctionnaires. L'une des faiblesses du Monténégro demeure ce que l'Union européenne appelle sa « capacité administrative ». Lors d'une réunion, nous avons pu prendre la mesure du chantier que représente la construction d'un État de droit, et même d'un État tout court, en une décennie dans un pays de 600 000 habitants. Plus encore qu'en Serbie, il ne suffit pas d'adopter les lois demandées par Bruxelles, mais le problème est bien celui de leur mise en oeuvre. Et ce, d'autant plus que le niveau de corruption et la part de l'économie parallèle demeurent élevés.

La situation politique est actuellement un peu troublée. Certes, le Président Djukanoviæ, ancien premier ministre et leader du Parti démocratique socialiste, au pouvoir depuis la fin de la Yougoslavie, est un élément fort de continuité. Mais depuis un an et demi, l'essentiel de l'opposition boycotte le Parlement au motif que les élections du 20 octobre 2016 se sont déroulées le lendemain d'une tentative de coup d'État, ce qui aurait pesé sur le résultat. L'économie du pays demeure elle aussi fragile. La crise de 2008-2010 se fait encore sentir. Le Monténégro est de plus en plus tributaire du tourisme - qui représente déjà un quart du PIB.

Nous avons ressenti une différence sensible avec la Serbie quant à l'adhésion à l'Union européenne. Nos interlocuteurs monténégrins ne cachaient pas leur déception quelques jours après le sommet de Sofia dont ils attendaient davantage, au moins pour eux-mêmes puisque leur pays est, de loin, le plus avancé et ne présente pas de point de blocage majeur - à la différence du Kosovo pour son grand voisin.

Comme à Belgrade, notre mission nous a renvoyé à la nécessité de définir le discours que nous devons tenir à ces pays candidats, qui regardent vers l'ouest mais qui pourraient désespérer, et éventuellement céder aux chants des sirènes venant de l'Est voire des pays du Golfe.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion