Sur la politique intérieure, les prochaines mid-terms vont renouveler la totalité de la Chambre des Représentants et un tiers du Sénat. Jusqu'à la semaine dernière, les Républicains pensaient perdre leur majorité à la chambre, mais vous avez raison, il faut tempérer cette appréciation. D'abord, parce qu'on s'est pas mal trompé dans les prévisions des résultats des élections ces dernières années. Ensuite, parce qu'aux Etats-Unis, c'est une particularité, les Américains votent très peu, la participation est faible et ce qui fait le résultat des élections parlementaires, mais présidentielles également, c'est la mobilisation. On le voit aussi bien dans l'élection d'Obama et dans celle de Trump. Ce qui va se jouer dans les mid-terms, c'est de savoir qui va réussir à mobiliser le plus son camp. Jusqu'à maintenant, tous les pronostics prévoyaient une vague démocrate, avec l'idée d'un camp républicain un peu las et une opposition démocrate très mobilisée. En fait, cette équation est en train de changer en ce moment et d'autant que Trump va pouvoir nommer un nouveau juge à la Cour Suprême. C'est un combat politique traditionnel, non seulement de la base évangélique, mais de l'ensemble de l'électorat républicain, car c'est une décision qui a des conséquences sur toute une génération puisque les juges sont nommés à vie et que Trump va sans doute nommer des juges jeunes. Le départ du juge Kennedy est importante et deux autres juges, notamment démocrates, sont âgés ce qui ouvre potentiellement des possibilités pour le président d'ici la fin de son mandat ou du mandat suivant s'il est renouvelé. Le deuxième aspect, c'est la médiatisation de certaines questions comme l'immigration. On a vu l'émoi qu'a suscité la décision de séparer les enfants de migrants de leurs parents, y compris dans les sphères religieuses et le recul de Trump sur ce dossier, mais les démocrates ont eu une réaction irréaliste en se prononçant pour la suppression du service de contrôle aux frontières. Cette outrance de l'opposition et de certains médias pourraient bien faire gagner les Républicains aux prochaines élections.
S'agissant des relations avec le Mexique, à la suite de l'élection à la présidence du candidat de la gauche Andrès Manuel López Obrador, elle intervient dans un contexte de relations dégradées ; quand on analyse le fil tweeter de Donald Trump, les principaux adversaires sont avant tout des alliés de l'Allemagne de Mme Merkel, le Canada et le Mexique. Trump a été une figure du débat présidentiel au Mexique. Le président américain est très impopulaire au Mexique. Cela étant, on connaît mal, aux Etats-Unis, la personnalité de López Obrador, est-il un populiste qui aurait des points communs avec Trump ? Il n'y a pas de positionnement stratégique à Washington sur ce sujet. Il faut disposer d'un peu de recul pour analyser cette question.
Concernant la situation du parti démocrate depuis la défaite de Mme Clinton, elle est assez dramatique. Le parti est divisé. On le voit bien avec la désignation comme candidate à la Chambre des représentants lors des primaires, d'une jeune femme de 28 ans, qui avait fait campagne pour Sanders, originaire du Bronx, serveuse, qui a largement battu le bras droit de Nancy Pelosi, lequel était pressenti pour être le Speaker de la Chambre en cas de victoire des démocrates. Il y a une sorte de clivage entre l'extrême-gauche et le centre. L'issue n'est pas encore certaine. La question est de savoir si des candidats de la gauche sans expérience politique avec des programmes très à gauche pour les États-Unis, peuvent l'emporter face à des candidats républicains. C'est une grande interrogation au sein du parti démocrate. Le parti est aujourd`hui déchiré.
On n'est pas encore dans un monde post-américain. Tant que le dollar reste la monnaie de référence internationale, les Etats-Unis conserveront une grande influence, même dans un système de Bretton Woods dégradé et à ce stade, on ne voit pas quelle pourrait être l'offre alternative de la Chine. Mais nous sommes peut-être déjà entrés dans une période de transition. Rappelons-nous que les Etats-Unis étaient déjà la première puissance économique à la fin du XIXe siècle et qu'ils étaient peu enclins à prendre des responsabilités et des engagements internationaux. La relève de l'Empire britannique a été longue et n'a été complètement effective qu'au lendemain de la Seconde Guerre mondiale avec la menace soviétique. N'assiste-t-on pas à une transition du même ordre des Etats-Unis vers la Chine. ? C'est déjà ce qui semble se passer dans la région Asie-Pacifique où l'hégémonie américaine est peut-être comptée, beaucoup de gens ne sont pas d'accord avec cette évolution aux États-Unis mêmes. Mais après tout, Trump et le Pentagone réfléchissent à un retrait éventuel des soldats américains de Corée du Sud. S'il y a désengagement d'un côté, il y aura une ascension chinoise. L'offre alternative peut être lue à la lumière de la déclaration de Xi Jinping à Davos en janvier 2017 où la Chine se positionnait en défense d'un ordre économique mondial, pas libéral au sens des valeurs démocratiques. Ces normes sont moins importantes pour les Chinois. Dans le document de stratégie de défense publié début 2018, on voit bien cette dimension de l'influence grandissante de la Chine en Amérique latine, en Afrique et Europe, on peut se demander si ce ne seront pas des terrains d'affrontement avec les Etats-Unis. Obama disposait d'une stratégie d'ensemble qui liait les domaines politique, économique et militaire. Avec les décisions protectionnistes de Trump, si elles sont maintenues, on assiste à une certaine déconnexion entre ces domaines.
Ce point de l'ordre du jour a fait l'objet d'une captation vidéo qui est disponible en ligne sur le site du Sénat.
La réunion est close à 12 h 10.