Intervention de Nadia Sollogoub

Délégation sénatoriale à la prospective — Réunion du 5 juillet 2018 à 8h30
Point d'étape sur le rapport « avenir des relations entre les générations »

Photo de Nadia SollogoubNadia Sollogoub, rapporteur :

Dans le dispositif auquel nous réfléchissons, il ne s'agit pas d'alourdir la fiscalité des héritages, encore moins de spolier, mais au contraire d'encourager les gens à transmettre plus vite. L'idée est d'alourdir la taxation sur les héritages tout en donnant simultanément aux familles des moyens accrus d'échapper à la surtaxe en cas de libération précoce de leur patrimoine, par exemple grâce à des donations dont le régime serait assoupli, grâce à des dons ou des legs caritatifs, ou encore grâce à des investissements dans les fondations d'intérêt public. On peut également imaginer que les investissements dans des fonds d'investissements risqués de long terme puissent bénéficier de droits de succession allégés si les héritiers eux-mêmes conservent les actifs un certain temps. C'est donc seulement si le patrimoine est conservé jusqu'au bout malgré la facilitation des transmissions de son vivant que la surtaxe s'appliquerait. Dans cette hypothèse, il serait d'ailleurs souhaitable, dans un souci de réduction des inégalités, d'affecter les recettes de cette surtaxe à des programmes de soutien aux jeunes et à la solidarité intergénérationnelle, par exemple le financement des primo accédants, d'écoles de la deuxième chance ou de programmes de formation continue, dont les besoins vont être de plus en plus importants.

Je terminerai sur les propositions en matière de patrimoine en soulignant la nécessité de moderniser le viager, en commençant par changer son nom. On peut développer les formes de viager « intermédié », où une personne ne parie pas sur la mort d'une autre, mais où l'investissement est réalisé par un institutionnel qui peut ainsi mutualiser le risque de longévité et le risque de prix. On peut citer les expériences intéressantes de la Caisse des Dépôts et les réflexions de la Chaire « Transitions démographiques, transitions économiques » sur la vente anticipée occupée (VAO). Je pense aussi que nous pourrions réfléchir à un « viager hypothécaire dépendance », c'est-à-dire un dispositif de prêt viager hypothécaire ouvert aux personnes qui entrent en dépendance, qui les aiderait à financer leurs dépenses tout en réduisant l'aléa pour l'investisseur. Enfin, il nous faut trouver des moyens de rendre le viager possible en-dehors des zones tendues, peut-être au moyen d'une garantie de l'État couvrant le risque lié aux incertitudes sur l'espérance de vie.

Pour conclure, je dirai quelques mots sur le travail encore en cours qui vous sera présenté de manière plus précise en septembre. Il porte en particulier sur les liens entre renouvellement générationnel et changement social. Nous cherchons à savoir quels sont les changements culturels portés par le renouvellement générationnel et quels pourraient être les impacts de ces changements sur les attentes et les modalités de l'engagement professionnel, sur les rapports à la propriété et à la consommation, sur l'intensité et les modalités de l'engagement citoyen ou encore sur les rapports à l'éducation et au savoir. Il s'agit de saisir les enjeux de ces impacts pour le monde de l'entreprise et du travail, pour la démocratie, pour le système éducatif ou encore pour l'environnement.

Par exemple, la table ronde du 7 juin dernier nous a permis de voir qu'il est en train de se produire une reconfiguration du rapport à la politique dans les jeunes générations : la construction du lien à la politique et les formes d'expression citoyennes changent. Les signes en sont nombreux et bien documentés :

- un taux d'abstention des jeunes supérieur de 10 points au taux d'abstention moyen alors que la hausse du niveau de formation des jeunes aurait dû entraîner une participation électorale plus importante ;

- un net affaiblissement du devoir du vote au profit d'une revendication du vote comme un droit ;

- la diffusion d'une culture protestataire, la citoyenneté devenant plus contractuelle et plus critique ;

- une préférence pour une citoyenneté d'engagement de proximité (je fais ; je constate les effets de ce que je fais) ;

- un développement de la volatilité électorale et un affaiblissement des identifications partisanes ;

- une modification du rapport au temps et à l'information. La demande d'immédiateté est beaucoup plus forte. Les audiences se fragmentent. Les relais d'opinion traditionnels (médias, famille...) fonctionnent moins bien ;

- une progression de la défiance et de l'indifférence par rapport à la participation électorale (crise de la représentativité, crise de l'efficacité de l'action politique, crise de l'exemplarité des élites).

Ces évolutions bousculent le fonctionnement de notre démocratie. Comment adapter cette dernière aux « citoyens qui viennent » ? Voilà le type de question que nous cherchons à approfondir.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion