Or le risque de cette orientation, c’est de nous faire répéter les erreurs d’urbanisme d’après-guerre, dont nous payons encore aujourd’hui le prix.
C’est pour mettre un terme aux errements de cette période que la loi Malraux de 1962 dans le domaine du patrimoine, la loi du 3 janvier 1977 sur l’architecture ou la loi MOP, la loi relative à la maîtrise d’ouvrage publique et à ses rapports avec la maîtrise d’œuvre privée, du 12 juillet 1985 ont été votées. Ce sont ces mêmes lois que le projet de loi ÉLAN prévoit aujourd’hui de remettre en cause.
L’instabilité juridique que le projet de loi pourrait générer soulève d’autant plus d’inquiétudes qu’elle intervient dans des domaines où la stabilité des normes est particulièrement importante. La préservation du patrimoine est une action qui s’inscrit dans la durée et s’accommode mal des règles mouvantes.
Transformer l’avis conforme de l’architecte des Bâtiments de France en avis simple, quand bien même cette transformation resterait circonscrite à quelques cas clairement identifiés, n’est pas une décision sans conséquence. Je sais que l’ABF cristallise les crispations d’un grand nombre d’élus locaux. Je sais qu’il souffre d’une image de fonctionnaire parfois « buté » en dépit du faible nombre de refus qu’il oppose chaque année et des possibilités de recours qui existent contre ses décisions, à l’occasion desquelles les commissions régionales du patrimoine et de l’architecture, présidées par des élus, sont désormais consultées.
Le but de l’avis conforme – dois-je le rappeler ? – est de garantir que les enjeux patrimoniaux puissent aussi être pris en compte, au même titre que d’autres enjeux. Ne nous y trompons pas, les quatre cas qui nous sont soumis aujourd’hui sont loin d’être anodins et pourraient entraîner des atteintes irréversibles à notre patrimoine.
Renoncer à l’avis conforme privera certes l’ABF de sa capacité d’empêcher un projet, mais lui retirera également toute possibilité d’établir un dialogue pour permettre qu’un projet évolue dans le sens d’une meilleure conciliation de tous les intérêts en présence.
La commission de la culture vous proposera quelques amendements allant dans le sens d’une plus grande coconstruction des projets entre les élus et les ABF et d’une meilleure prévisibilité des avis de ces derniers.
Voulons-nous vraiment prendre le risque que le maire soit désormais seul et sans protection face à la pression des promoteurs de projet pour décider ? Voulons-nous vraiment ouvrir une brèche au principe de l’avis conforme pour que la liste des exceptions ne fasse que s’allonger au fil des années, au point de le vider de son sens ? Compte tenu de l’atout que représente le patrimoine pour notre pays et ses territoires, ce serait, aux yeux de la commission de la culture, une erreur.