Intervention de Jean-Michel Blanquer

Réunion du 16 juillet 2018 à 14h30
Encadrement de l'utilisation du téléphone portable dans les écoles et les collèges — Adoption en procédure accélérée d'une proposition de loi dans le texte de la commission

Jean-Michel Blanquer :

Monsieur le président, madame la présidente de la commission, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, je me réjouis de l’inscription à l’ordre du jour de cette proposition de loi, qui vise à interdire l’utilisation du téléphone portable dans les écoles et les collèges. Vous le savez, ce texte concrétise un engagement de campagne du Président de la République. Je suis évidemment fier, en tant que ministre de l’éducation nationale, de pouvoir mettre en œuvre cet engagement.

L’interdiction du téléphone portable répond à des enjeux à la fois éducatifs et de vie scolaire. Durant les activités d’enseignement, l’interdiction de l’usage des téléphones portables permettra de garantir aux élèves un environnement propice à l’attention, à la concentration, à la réflexion, indispensable à l’activité, à la compréhension et à la mémorisation.

Sur les temps de récréation, l’usage du téléphone portable peut s’avérer néfaste en réduisant l’activité physique et en limitant les interactions sociales entre les élèves – nous pouvons déjà en faire le constat en comparant les collèges qui ont décidé d’instaurer une telle interdiction et ceux qui ne le font pas. Cet usage peut empêcher la construction d’une sociabilité harmonieuse, essentielle au développement des enfants. Les chefs d’établissement le disent unanimement : une cour sans téléphone portable, c’est une cour où les enfants jouent, discutent, chahutent, où ils vivent leur vie d’enfant.

Par ailleurs, l’usage des téléphones portables est à l’origine d’une part importante des incivilités et des perturbations dans les établissements : casses, rackets, vols. Ils servent aussi souvent de supports aux phénomènes de cyberharcèlement, lesquels exportent la violence, de surcroît, en dehors des établissements.

Les téléphones portables peuvent en outre faciliter l’accès aux images violentes et aux images pornographiques. L’interdiction de l’usage du téléphone portable constitue l’un des outils susceptibles de limiter l’exposition des plus jeunes à des images choquantes.

Sur toutes ces questions, me semble-t-il, un consensus peut se former entre nous. Bien entendu, cette mesure n’éradiquera pas le cyberharcèlement ou l’accès des jeunes aux images pornographiques ; elle contribue néanmoins à la lutte nécessaire que nous devons mener contre ces phénomènes.

Ce constat me semble aujourd’hui partagé par tous ; certains d’entre vous s’interrogent toutefois sur la nécessité de légiférer, au motif que l’interdiction du téléphone portable à l’école est d’ores et déjà en partie dans le code de l’éducation. Je souhaite répondre à cette interrogation, qui me paraît légitime.

En l’état actuel du droit, l’article L. 511-5 du code de l’éducation prévoit l’interdiction de l’usage des téléphones portables durant les heures d’enseignement et dans les lieux qui sont prévus par le règlement intérieur. Cependant, le juge administratif n’admettant pas de manière certaine la légalité d’une interdiction générale prise par le pouvoir réglementaire, et seuls les chefs d’établissement pouvant inscrire à l’ordre du jour des conseils d’administration une telle mesure sans que cela soit considéré comme un impératif, l’effectivité de cette interdiction n’est aujourd’hui pas assurée. C’est donc bien la volonté de garantir l’interdiction effective de l’utilisation du téléphone portable dans toutes les écoles et dans tous les collèges qui justifie cette proposition de loi.

Je souhaite également saluer la souplesse que permet ce texte quant à la mise en œuvre pratique de l’interdiction de l’utilisation des téléphones portables. J’y suis évidemment très sensible, en tant que ministre de l’éducation nationale.

La rédaction actuelle de l’article 1er donne la possibilité au règlement intérieur de chaque établissement de préciser les modalités de cette interdiction. Contrairement à ce qu’il m’est arrivé d’entendre, il n’est pas question d’imposer des casiers dans tous les établissements, mais, tout simplement, de permettre qu’une telle mesure puisse être mise en place. Chaque établissement, en fonction de la configuration de ses locaux et de son organisation propre, pourra définir les modalités d’application de cette interdiction, au plus près de ses spécificités.

Le ministère publiera prochainement, dès que la proposition de loi sera adoptée, un vade-mecum élaboré par les services de la DGESCO, la direction générale de l’enseignement scolaire, avec l’appui d’un groupe de travail réunissant notamment des professeurs et des chefs d’établissement, tenant compte de nos débats, pour accompagner les établissements dans la mise en œuvre concrète de cette interdiction. Ce document présentera également les bonnes pratiques.

Pour l’ensemble de ces raisons, le Gouvernement, que je représente aujourd’hui, accueille très favorablement cette proposition de loi, que je vous invite donc à adopter très largement.

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