Intervention de Sonia de La Provôté

Réunion du 16 juillet 2018 à 14h30
Encadrement de l'utilisation du téléphone portable dans les écoles et les collèges — Discussion générale

Photo de Sonia de La ProvôtéSonia de La Provôté :

Au travers de cette question de l’usage du téléphone portable, il s’agit bien ici de remettre en évidence la nécessaire organisation de l’autorité à l’école et le rôle tenu par l’éducation nationale et ses représentants, au premier rang desquels les professeurs et les professeurs des écoles.

Le code de l’éducation traite déjà du téléphone portable en son article L. 511-5 : aujourd’hui, son utilisation est autorisée, sauf disposition contraire du règlement. La présente proposition de loi vise à inverser cette règle.

L’entrée du téléphone portable et autres appareils de communication électronique à l’intérieur de l’école représente, bien sûr, un véritable sujet.

On sait que le téléphone portable peut perturber les cours, dissiper et distraire les enfants. On sait que l’émergence d’internet et des réseaux sociaux peut accentuer l’incapacité de certains élèves à se concentrer et à se structurer. Mais on sait aussi que de plus en plus d’établissements et d’enseignants ont pris possession de l’outil numérique dans le cadre des cours. Il faut donc encadrer, mais avec discernement.

Il est une véritable question, qui dépasse de loin celle de l’usage du téléphone portable à l’école : celle de l’éducation au numérique.

Ce texte aborde le sujet via l’utilisation du téléphone portable, mais ce qui constitue l’un des défis majeurs que l’école doit relever aujourd’hui, c’est bien l’éducation au numérique. Néanmoins, cette proposition de loi a le mérite, disons-le, de donner une base à laquelle le corps éducatif pourra se référer pour travailler.

Pour aller plus au fond du texte, on sait que le cadre législatif actuel est incertain et inadapté. Si un nombre élevé d’établissements scolaires pratiquent une interdiction totale du téléphone portable, c’est en l’absence de cadre juridique adapté.

Le code de l’éducation dispose actuellement que « dans les écoles maternelles, les écoles élémentaires et les collèges, l’utilisation durant toute activité d’enseignement et dans les lieux prévus par le règlement intérieur, par un élève, d’un téléphone mobile est interdite ».

La modification législative qu’il nous est proposé d’adopter s’inscrirait dans un projet éducatif précis et encadré par le personnel éducatif. La voie législative est, d’ailleurs, l’option juridique la plus sûre pour garantir l’effectivité de l’interdiction des téléphones portables.

Mais ce texte vise également à renforcer la formation des élèves à l’utilisation des outils et ressources numériques, qui constitue, je le redis, l’un des principaux défis pour l’éducation au XXIe siècle.

Les chiffres sont éloquents. L’usage des téléphones mobiles se développe de façon exponentielle chez les jeunes : 86 % des jeunes âgés de douze à dix-sept ans possèdent un smartphone ; 63 % des jeunes âgés de onze à quatorze ans sont inscrits à au moins un réseau social ; un collégien passe en moyenne 7 heures et 48 minutes par jour devant un écran…

L’interdiction de l’usage du téléphone portable au sein des établissements scolaires répond à la fois à des enjeux éducatifs et à des enjeux de vie scolaire. Il s’agit de permettre aux enfants et aux jeunes d’évoluer sereinement dans le milieu éducatif.

En effet, l’usage du téléphone portable peut contribuer à l’amplification de situations de harcèlement, ainsi qu’à la diffusion de contenus violents ou d’images pornographiques auprès des plus jeunes. Il peut s’avérer néfaste concernant les temps de récréation, en réduisant l’activité physique, en limitant les interactions sociales entre les élèves et en étant à l’origine d’une part importante des perturbations au sein des établissements – casse, racket ou vol.

L’interdiction de l’usage du téléphone portable au sein des établissements scolaires permettra de garantir aux élèves un environnement favorisant l’attention et la concentration, indispensables à l’activité, à la compréhension et à la mémorisation. De nombreuses études, notamment en neurophysiologie, montrent ainsi que l’utilisation abusive du téléphone portable a une incidence sur le fonctionnement cérébral, notamment sur la capacité de mémorisation et de concentration.

Les articles 3 et 4 de la proposition de loi introduisent le sujet, en remplaçant le terme « sensibilisation » au numérique par le terme « éducation ». Mais encore faut-il donner un contenu à cette éducation… Ce n’est pas notre présidente de la commission de la culture, Mme Catherine Morin-Desailly, qui a de nombreux éclairages à nous fournir sur le sujet, qui dira le contraire !

L’école du XXIe siècle doit former au numérique, en le prenant comme outil d’apprentissage et instrument de vie, qu’il faut savoir manier avec discernement. Nul doute que cette question sera débattue dans cette enceinte à l’avenir ; en tout cas, nous y comptons fortement.

Le groupe Union Centriste apporte son soutien aux avancées que la commission de la culture du Sénat est parvenue à obtenir, s’agissant notamment de l’extension du champ de l’interdiction aux lycées et des modalités de la confiscation, qui ont été précisées.

Nous pouvons nous féliciter que le rapporteur, Stéphane Piednoir, ait retiré du texte des précisions qui transformaient véritablement le code de l’éducation en règlement intérieur d’établissement.

Dans un souci de cohérence et d’exhaustivité, les membres de la commission de la culture ont donc étendu le champ de la proposition de loi aux lycées, en prévoyant un régime d’encadrement spécifique, distinct du régime défini pour les écoles et les collèges.

Afin de sécuriser la pratique de la confiscation et dans le respect de l’autonomie des établissements, ils ont par ailleurs récrit les dispositions relatives à la confiscation, notamment en étendant la faculté d’y procéder aux personnels d’éducation et de surveillance.

Privilégiant l’autonomie des établissements et l’appropriation de la règle par l’ensemble de la communauté éducative, ils ont supprimé les précisions inutiles qui affaiblissaient le rôle du règlement intérieur.

Enfin, fidèle aux orientations du Sénat en matière de qualité de la loi, la commission de la culture a supprimé plusieurs dispositions inutiles ou superfétatoires, dont celles de l’article 2.

Ayons donc ce débat sur l’usage encadré du téléphone portable à l’école, mes chers collègues, mais formulons l’espoir qu’il en appelle un plus vaste ! Nous abordons ici le sujet du numérique à l’école ; il reste plein et entier… Notre groupe est favorable à l’adoption de cette proposition de loi, mais il attend la suite, monsieur le ministre !

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