Fallait-il avoir recours à un tel arsenal législatif quand une circulaire aurait pu suffire ? Les sanctions en cas d’infraction à la loi ne créeront-elles pas des lourdeurs nouvelles et des contentieux inutiles dans ce qui touche à l’éducatif, au pédagogique, à la vie scolaire ? Je ne vous cache pas que je m’interroge sur ce point.
Je sais toutefois que notre droit positif prévoit déjà, depuis la loi de 2010 portant engagement national pour l’environnement, une telle interdiction pour les enfants des écoles maternelles et élémentaires, ainsi que pour les collégiens.
Je ne souhaite pas polémiquer sur la portée concrète de cette interdiction ni entrer dans une opposition stérile. Espérons que cette discussion parlementaire servira à sensibiliser les familles sur les conséquences d’un usage excessif ou inapproprié du téléphone portable par les enfants et les adolescents.
Il est urgent d’agir. Quelques chiffres le prouvent : 86 % des jeunes âgés de douze à dix-sept ans possèdent un smartphone, soit un taux d’équipement supérieur à celui de l’ensemble de la population ; les jeunes âgés de sept à douze ans sont connectés à internet plus de six heures par semaine, ceux âgés de douze à dix-neuf ans plus de quinze heures par semaine, ces chiffres étant d’ailleurs contestés, car jugés sous-estimés ; enfin, 93 % des collégiens sont au-delà du seuil de sédentarité défini par les recommandations internationales.
Nos jeunes sont donc de plus en plus exposés aux écrans. Cette situation n’est pas sans conséquence. De nombreuses études l’ont montré, qu’elles émanent de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail, de l’Académie des sciences ou de professionnels de santé reconnus. Toutes pointent les effets désastreux de la surexposition aux écrans : troubles du sommeil, de l’attention, voire difficultés cognitives ou état dépressif.
Nous sommes ici pour nous interroger sur les risques liés à une exposition à des contenus inappropriés dans l’enceinte des établissements scolaires, notamment à l’heure de la récréation et lors de la pause méridienne. En effet, il est à craindre que ces temps partagés puissent être l’occasion d’émulations malsaines liées à des phénomènes de groupe.
Je pense à la consultation de vidéos pornographiques librement accessibles sur les plateformes de téléchargement et de streaming, de sites véhiculant des thèses complotistes, de blogs communautaristes incitant à la violence religieuse et propageant la haine antisémite la plus virulente, ou encore au cyberharcèlement, qui, bien souvent, se prolonge au domicile, ne laissant aucun répit à sa victime.
Dans son récent rapport d’information consacré à la protection des mineurs victimes d’infractions sexuelles, notre collègue Marie Mercier relève que, dans un contexte d’hypersexualisation via les smartphones, on constate de plus en plus « le développement de comportements sexuels de la part de jeunes enfants, parfois de très jeunes enfants, qui tentent de reproduire entre mineurs des scènes pornographiques, de plus en plus “extrêmes” ».
Oui, mes chers collègues, il est nécessaire de réfléchir à l’usage des terminaux connectés, aux contenus accessibles et aux effets d’une surexposition aux écrans pour les plus jeunes, que ce soit pendant le temps scolaire ou en dehors. Je soutiendrai donc toute initiative qui contribuera à protéger nos élèves. Même si la loi ne me paraît pas être le véhicule le plus souple, l’intention des auteurs de ce texte mérite notre respect.
Enfin, je rappellerai ici que la responsabilité première, en matière éducative, incombe aux familles. L’école ne doit pas être le seul recours.