Intervention de Jacques Chevallet

Mission d'information Développement de l'herboristerie — Réunion du 18 juillet 2018 à 14h45
Audition de M. Jacques Chevallet président du groupe arkopharma

Jacques Chevallet, président du groupe Arkopharma :

Je me réjouis de la création de cette mission d'information, la santé naturelle étant la thématique des laboratoires Arkopharma depuis 38 ans. Notre offre thérapeutique est complémentaire de l'allopathie, plutôt en première intention, dans une approche graduelle et raisonnée de la médecine, avec ses potentialités mais aussi ses limites.

Nos laboratoires ont oeuvré à la reconnaissance des médicaments de phytothérapie en étant les premiers à soumettre une autorisation de mise sur le marché (AMM) dans ce domaine. Nous promouvons l'amélioration de la qualité des produits et sommes certifiés ISO 22 000. Nous répondons aux normes de l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé, l'ANSM, et sommes également très engagés dans la démarche RSE. Nous avons en outre suivi en 2007 une évaluation ISO 26 000 et sommes certifiés Ecocert, beaucoup de nos produits étant biologiques. Arkopharma est un acteur français important, bien que d'une taille relativement modeste sur le marché de la santé, avec un chiffre d'affaires de 200 millions d'euros. Nous embauchons 1 200 collaborateurs en Europe, dont 800 sur notre site de Carros. Nos équipes de recherche et développement représentent 8,5 % de nos effectifs français. Nous maîtrisons 95 % de notre production et en exportons 43 %, essentiellement en Europe.

Nous sourçons nos plantes partout dans le monde. Seuls 50 % de nos produits proviennent d'Europe, soit en raison d'une problématique d'offre, soit parce que les plantes ne sont pas autochtones européennes, comme l'arpagophytum qui ne se trouve qu'en Namibie. Sur 400 tonnes de plantes sèches annuelles, le sourcing France, que nous essayons de privilégier, s'élève environ à 60 tonnes : ortie, reine des prés, passiflore, hamamélis, mélisse, fenouil, fragon, échinacée, tilleul, bruyère.

Nous privilégions une approche « totum ». Toute la partie active de la plante est cryobroyée, afin de ne pas en altérer l'activité pharmacologique. Le spectre des actifs est ainsi très large, mais la qualité du sourcing exigeante, le profil de la plante ne pouvant être amélioré par extraction.

Nous procédons à une identification microscopique puis analytique à la réception de la plante, vérifions l'absence de contaminants : 80 personnes travaillent ainsi à l'assurance et au contrôle qualité, et 40 personnes en analytique, s'agissant de mélanges complexes nécessitant des méthodes poussées. Nous assurons également la sécurité des produits en post-commercialisation par des processus de pharmacovigilance, de nutrivigilance, de cosmétovigilance ou de matériovigilance. Les signalements pour les médicaments de phytothérapie sont dans 98 % des cas non graves et s'élèvent à deux cas par million d'unités vendues, à comparer aux 27 signalements par million d'unités vendues des autres médicaments, ce qui confirme le ratio efficacité-tolérance des produits à base de plantes.

La tendance du marché pour les produits de phytothérapie n'est pas très dynamique, mais le développement de la phytothérapie dans les pratiques de santé n'a jamais fait l'objet de mesures incitatives de santé publique. Les médicaments représentent 24 % du chiffre d'affaires et les autres produits, majoritairement des compléments alimentaires, 76 %, ce qui s'explique en partie par la différence de coût de développement et de gestion entre une AMM et un dossier de complément alimentaire. Dans ce domaine, il n'y a pas d'harmonisation européenne des pratiques, de dossier sécurisé que nous pourrions soumettre aux différents pays. Sur les compléments alimentaires, les réglementations ne sont pas non plus harmonisées - plantes autorisées, dosages... - ce qui est un frein à la commercialisation des produits dans l'ensemble des pays européens.

Les indications pour les produits de phytothérapie sont les maux du quotidien.

Les circuits de distribution sont principalement les pharmacies - 68,7 % des achats - mais aussi la parapharmacie, les hypermarchés, l'Internet, les magasins de diététique et la vente directe. En Espagne, les pharmacies réalisent 81,6 % des ventes et les herboristeries seulement 8,9 %. Le nombre d'unités vendues par habitant est de 18,1 en France et de 7,3 en Espagne. L'Italie, qui abrite également des herboristeries, est le premier marché européen. Il n'y a donc pas forcément de corrélation entre l'existence d'un réseau d'herboristeries et la consommation de produits à base de plantes.

D'après une enquête Ipsos, si 63 % de la population se dit intéressée par la naturalité dans une approche de santé, seuls 25 % utilisent déjà les produits de phytothérapie ou d'aromathérapie. Il existe une certaine mixité des circuits de vente, avec une prépondérance du circuit pharmaceutique. Seuls 15 % des acheteurs n'achètent jamais en pharmacie. On retrouve cette même mixité en Espagne et aux Pays-Bas. Dans 75 % des cas, les consommateurs achètent un produit à la suite de la recommandation d'un professionnel de santé ; viennent ensuite le bouche-à-oreille, puis la publicité.

La formation des professionnels de santé à ces approches, qu'elles soient thérapeutiques ou nutritionnelles, pourrait être améliorée, en particulier celle des pharmaciens. Un médecin chinois, par exemple, y consacre un an de formation.

Nous ne sommes pas promoteurs du remboursement des produits à base de plantes compte tenu des problématiques de financement. Nous constatons toutefois, depuis une quinzaine d'années, l'absence d'incitation au développement de ces approches de santé à visée préventive, curative ou nutritionnelle.

L'officine porte la majorité des ventes, mais nous savons que ce circuit est fragilisé, tout en offrant un maillage territorial important. Le commerce de détail souffre d'une façon générale, notamment avec le développement de l'Internet, aussi ne nous paraît-il pas forcément pertinent de promouvoir et d'assurer le contrôle d'un nouveau circuit de distribution.

D'un point de vue réglementaire, nous nous battons pour la reconnaissance de la tradition d'utilisation des plantes, que l'usage soit thérapeutique ou nutritionnel. L'expérience n'est pas le seul critère, mais c'est un critère qui doit être reconnu.

En pratique, il n'y a pas de réelle harmonisation européenne : notre capacité à commercialiser nos produits sur l'ensemble du territoire européen est faible.

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