Le Canada est un pays souvent cité comme modèle en matière de réforme de l'État et de maîtrise des finances publiques. Cette affirmation est-elle vraie ? Le déficit budgétaire public dans la seconde moitié des années 1990 a connu une réduction rapide et efficace. Le Canada est connu pour avoir alors mis en oeuvre une réforme d'ampleur ayant permis de rétablir la situation des finances publiques fédérales. Ainsi, alors qu'en 1993, le déficit public fédéral s'élevait à 5,5 % du produit intérieur brut (PIB) et le déficit public toutes administrations publiques confondues s'établissait à 9 % du PIB, le Gouvernement fédéral a atteint l'équilibre budgétaire dès 1997 et renoué avec des excédents.
Un tel résultat s'explique principalement par une réduction nette des dépenses fédérales qui a pu s'appuyer sur un soutien très marqué de l'opinion publique, et non par des mesures en recettes.
En effet, la réduction du déficit budgétaire fédéral intervenue dans les années 1990 découle principalement d'efforts en dépenses, et non de mesures en recettes.
Les dépenses du budget général du gouvernement ont été réduites d'environ 10 % en cinq ans, entre 1993 et 1998. Tandis qu'elles représentaient 16,8 % du PIB en 1993, elles ne s'élevaient plus qu'à 12,1 % du PIB en 1999.
Le nombre de ministères est passé de trente-deux à vingt-trois et les services déconcentrés des ministères ont à la fois été restructurés et fusionnés. Quinze ministères ont été fusionnés ou supprimés, huit d'entre eux se sont vus attribuer de nouvelles missions et certains ministères ont été transformés en agences, comme l'Agence Revenu Canada. De fortes contraintes à la baisse ont aussi été exercées sur la masse salariale publique : entre 1993 et 1999, l'emploi public a diminué en effectifs de 8,8 %, majoritairement dans les fonctions publiques fédérale et provinciale, ainsi que dans les entreprises publiques.
En outre, le contexte économique favorable a contribué à la progression des recettes publiques, facilitant la résolution de l'équation budgétaire. Aujourd'hui, malgré les effets de la crise financière et économique de 2008, la trajectoire des finances publiques canadienne paraît, au regard d'autres pays comparables, relativement maîtrisée.
Le solde fédéral, bien que de nouveau déficitaire, ne s'est pas creusé outre mesure : le déficit s'élève à 1 % du PIB. Ainsi, en 2014, dernière année pour laquelle les données de comparaison internationales sont disponibles, le déficit public canadien s'élevait à 0,18 % contre une moyenne de près de 3 % dans la zone euro. De même, la dette publique n'a pas crû dans des proportions similaires à celles constatées dans la plupart des autres pays comparables. Ainsi, le ratio de la dette nette au PIB de l'ensemble des administrations publiques du Canada, qui inclut la dette nette des administrations fédérale, provinciales, territoriales et locales ainsi que les actifs nets détenus par le Régime de pensions du Canada et le Régime de rentes du Québec, s'établissait à 27,6 % du PIB en 2016. Il s'agit du niveau le plus faible parmi les pays du Groupe des Sept (G7), qui ont affiché un ratio moyen de 83,0 % pour cette même année. Le taux de prélèvements obligatoires, qui s'établit à 40,55 % du PIB, est inférieur à celui de la France (45,3 % du PIB) et comparable à la moyenne de l'Union européenne. Les dépenses publiques représentaient 41,05 % du PIB en 2016, contre 46,3 % en moyenne pour l'Union européenne et 56,4 % en France.
Nos interlocuteurs, en particulier au niveau provincial, ont souligné que la « revue des programmes » fédérale s'est aussi traduite par une baisse très significative, et parfois brutale, des transferts budgétaires du niveau fédéral vers les provinces. Le budget fédéral est ainsi relativement faible, comparé à celui des provinces. Entre 1996 et 1998, les dotations budgétaires fédérales aux provinces ont été réduites à hauteur de 6,6 milliards de dollars canadiens, correspondant à une diminution de 20 % des transferts totaux. La réduction des dépenses fédérales a donc pu initier des politiques de rigueur budgétaire au niveau provincial. C'est en particulier le cas au Québec, dont les finances ont été largement assainies ces dix dernières années. La province québécoise s'est appuyée sur un outil financier original et qui a fait la preuve de son efficacité dans le contexte québécois : le « Fonds des générations ». Il s'agit d'un fonds créé en 2006 par le gouvernement du Québec afin de réduire la dette publique. Sa gestion est confiée à la Caisse de dépôt et placement du Québec.
La création du fonds a été annoncée dans le discours du budget 2006. Opérationnel depuis 2007, il est abondé par plusieurs types de recettes : les redevances hydrauliques auxquelles sont assujetties Hydro-Québec - l'équivalent d'EDF - et les producteurs privés d'électricité, une partie du dividende versé par Hydro-Québec lors de la disposition de certains actifs à l'étranger et enfin une redevance sur le captage de l'eau. Les sommes détenues par le fonds sont placées sur les marchés financiers et le rendement de ces placements contribue à augmenter la valeur du fonds, qui atteint aujourd'hui 13 milliards de dollars canadiens.
Le Gouvernement québécois a d'ailleurs décidé de prélever sur le fonds deux milliards de dollars canadiens par an, pendant cinq ans, pour rembourser une partie de la dette publique québécoise de façon anticipée. Cette décision est justifiée, selon le ministre des finances québécois que nous avons rencontré, Carlos Leitao, au regard du contexte de remontée des taux d'intérêt sur les dettes souveraines et pour éviter que des sommes trop importantes, placées sur le fonds, n'attirent des convoitises et ne soient utilisées pour financer de nouvelles dépenses, et non contribuer au désendettement.
L'intérêt d'un tel fonds est double : outre le fait de « sanctuariser » une partie des recettes pour le désendettement, il permet aussi d'alourdir la contrainte pesant sur le déficit budgétaire en obligeant le Gouvernement à dégager un excédent hors contributions au fonds des générations pour être à l'équilibre.
Cependant, la mise en place d'un tel outil en France ne serait pas forcément adaptée en raison de l'absence d'effet de levier par placement sur les marchés financiers liée à l'aplatissement de la courbe des taux provoquée par la politique monétaire de la BCE et l'atonie de l'inflation et de la croissance.