Plusieurs initiatives ont été prises pour favoriser la dématérialisation et la simplification des procédures administratives. Le Canada se démarque également par de nombreuses mesures visant à encourager la dématérialisation et la simplification des procédures administratives, avec le lancement « d'initiatives » accompagnées d'une enveloppe budgétaire et d'un pilotage distincts de ceux des ministères. Nous avons visité l'un des centres de Service Canada, guichet unique multicanal de l'État fédéral canadien, qui a été créé en 2005. Avec près de 20.000 employés et 390 points de service répartis sur tout le territoire canadien, ce réseau permet aux citoyens d'avoir accès à un large nombre de prestations à partir d'un point d'accès unique, qui peut être physique, téléphonique ou en ligne.
La problématique de la ruralité est particulièrement cruciale au Canada, en raison du territoire très vaste entraînant de faibles densités de population dans certaines régions. À cet égard, la création de points de service mobiles, permettant à des agents publics d'aller à la rencontre des populations isolées, nous paraît être une idée intéressante pour un coût modique. Nous avons pu observer que l'administration canadienne semble se situer dans une logique de prestation de service vis-à-vis des citoyens. Ainsi, Service Canada réalise régulièrement des enquêtes de satisfaction auprès de ses usagers. Revenu Québec, l'agence fiscale de la province du Québec, a même développé une véritable « image de marque », avec un travail important de communication auprès des contribuables, via des canaux atypiques en matière de communication institutionnelle : animation d'une page Facebook, production de contenu sur Youtube et séances de « chats » pour répondre aux questions des contribuables. Nos échanges avec des entrepreneurs ont permis de mettre en évidence que la fiscalité pesant sur les revenus du travail au Canada n'était pas nécessairement moins lourde ou complexe qu'en France, mais qu'elle était stable, prévisible et lisible. En outre, le système de retraite - qui repose sur un « minimum vieillesse » par cotisation et des retraites complémentaires par capitalisation - semble recueillir un large assentiment en raison de sa transparence.
J'en viens à présent au renforcement du rôle du directeur parlementaire du budget (DPB), dont le poste a été créé dans la cadre de la Loi fédérale sur la responsabilité de 2006 et qui a pour mandat de présenter au Parlement une analyse indépendante sur les dépenses de l'État ou sur des questions jugées d'importance particulière, parce qu'elles font notamment l'objet d'un vif débat public comme les possibles incidences financières de la création d'un revenu minimal garanti ou de la légalisation du cannabis. Le directeur parlementaire du budget peut aussi, à la demande d'un comité ou d'un parlementaire, chiffrer les coûts de toute mesure proposée relevant des domaines de compétence du Parlement. Sa compétence en matière d'évaluation et de chiffrage est donc très large et il intervient dans le débat public y compris lors des échéances électorales. En revanche, le DPB ne procède pas à des travaux d'analyse macroéconomique concurrents à ceux du gouvernement, - par exemple sur les hypothèses de croissance ou d'inflation -, et ne conduit pas des évaluations de politiques publiques ex-post. Il s'agit donc d'une sorte d'outil d'intervention dans le débat propositionnel. En 2017, le rôle du DPB a été redéfini par la loi : il est ainsi devenu un agent du Parlement indépendant et, de façon plus controversée, le DPB a désormais aussi pour mandat d'évaluer les coûts de toute proposition de campagne électorale envisagée par le parti ou le député. Cependant, l'évaluation des coûts ne sera pas rendue publique par le Directeur parlementaire du budget et il appartiendra au parti, dont le programme a été chiffré, de prendre la décision de publier ou non les chiffres. Le directeur parlementaire du budget emploie une trentaine d'analystes, pour un budget total de 7 millions de dollars canadiens, soit environ 4,5 millions d'euros. Cette « cellule de chiffrage » nous a paru réaliser un travail utile, en adéquation avec les besoins et les contraintes du travail parlementaire. Il pourrait sans doute être opportun de s'en inspirer pour renforcer nos capacités de simulation et de chiffrage.
Maîtrise des finances publiques grâce à une politique de réduction des dépenses appuyée sur un large consensus politique ; rénovation des relations entre l'administration et les citoyens fondée sur une logique de prestation de service et une attention portée aux territoires isolés ; renforcement, enfin, des moyens de chiffrage et d'évaluation du Parlement : sur ces trois points, « l'expérience canadienne » nous paraît riche d'enseignements. Mais il convient d'aller au-delà d'une image d'Épinal trop simpliste. Le Canada est également confronté à des enjeux considérables pour le futur et connaît des fragilités réelles.