Au-delà de l'image d'Épinal qui est un peu datée, le gouvernement a confirmé qu'il renonçait à son engagement de ramener le budget à l'équilibre ; le déficit serait ainsi de 12,3 milliards de dollars canadiens pour l'exercice 2022-2023, soit une stabilisation du solde fédéral à environ - 1% du PIB. Plutôt que de s'orienter vers une réduction du déficit budgétaire, le gouvernement libéral privilégie en effet dans le budget 2018-2019 l'engagement de nouvelles dépenses. Ainsi, après prise en compte d'un traditionnel ajustement pour risque d'un montant annuel de 3 milliards de dollars, le déficit du budget fédéral devrait s'établir à - 18,1 milliards de dollars canadiens en 2018-2019, soit - 0,8 % du PIB, contre - 19,4 milliards de dollars canadiens en 2017-2018, soit 0,9 % du PIB. Pourtant, le contexte macroéconomique est favorable : la croissance de l'économie canadienne s'est élevée à 3 % en 2017, soit le taux le plus élevé des pays du G7, 427 000 emplois ont été créés au cours de la dernière année et le taux de chômage à 5,8 % se situe à son niveau le plus bas depuis 1976. Au surplus, les taux d'intérêt demeurent faibles, permettant de diminuer la charge d'intérêts de la dette publique de 1,3 milliard de dollars au cours de l'exercice 2016-2017. La question se pose donc de la marge de manoeuvre budgétaire dont disposerait le Gouvernement en cas de retournement de la conjoncture.
Des contrastes significatifs perdurent entre les provinces en matière de prospérité économique et d'équilibre des finances publiques. Le Canada est une monarchie fédérale - la Reine d'Angleterre en est le chef d'État - au sein de laquelle les provinces exercent des compétences très larges. Près de 50 % de l'ensemble des revenus fiscaux au Canada sont directement perçus par les administrations locales et l'échelon local est responsable de 70 % de la dépense publique, les dépenses fédérales ne représentant qu'environ 15 % du PIB. La santé et l'éducation sont, en particulier, financées par les provinces. Il est difficile, par conséquent, de parler de « la » politique canadienne économique et sociale : coexistent plutôt des politiques multiples dont la cohérence ne paraît pas toujours assurée.
En matière de stratégie budgétaire, l'alignement des politiques n'est pas non plus garanti : à titre d'exemple, alors que le gouvernement fédéral mène une politique de relance budgétaire, l'objectif de la province du Québec, qui représente près de 20 % du PIB du Canada, est de restaurer l'équilibre de ses comptes publics. L'Ontario, qui produit 38 % du PIB canadien, présente pour sa part une situation financière en voie de dégradation : le gouvernement ontarien accusera en effet un déficit de 6,7 milliards de dollars canadiens en 2018-2019 et ne prévoit pas de retrouver l'équilibre budgétaire avant 2024-2025. Sa dette nette s'élève maintenant à plus de 300 milliards de dollars, ou 37 % du PIB, ce ratio devant augmenter au cours des prochaines années.
La fiscalité des entreprises est également appelée à évoluer. Elle est relativement avantageuse par comparaison aux taxes qui s'appliquent à des revenus perçus dans le cadre d'un emploi salarié : ainsi, un chef d'entreprise peut fractionner ses revenus entre les membres de sa famille pour diminuer son impôt. La tentative du Gouvernement de Justin Trudeau d'introduire une réforme pour limiter l'ampleur du « manque à gagner » fiscal n'a pas rencontré le succès espéré, se heurtant à une forte opposition transpartisane soulignant l'importance des petites et moyennes entreprises dans le tissu économique et la création d'emplois.
Le Canada doit surtout assumer un enjeu de compétitivité face aux États-Unis dont il est très dépendant. La mise en oeuvre de la réforme américaine de l'impôt sur les sociétés risque de faire perdre au Canada son avantage fiscal, puisque le taux marginal d'imposition des profits pour un nouvel investissement se situe à 20,9 % en 2017 au Canada alors qu'aux États-Unis il chute, après la réforme, à 18,8 %, soit un niveau désormais inférieur au taux canadien. Pour l'heure, le gouvernement canadien n'a fait aucune annonce relative à l'ajustement de sa politique commerciale ou fiscale au regard des évolutions intervenues aux États-Unis. C'est indéniablement un sujet que le Gouvernement canadien devra traiter à moyen terme. Fin mai, le Premier ministre canadien a d'ores et déjà annoncé une augmentation des tarifs douaniers canadiens sur les produits américains en réponse à la hausse des tarifs décidés par les États-Unis sur l'aluminium et l'acier.