Le contrôle des dépenses publiques par le Parlement fédéral demeure lacunaire, tant concernant le budget prévisionnel que l'exécution. La présentation du budget fédéral proposé à l'approbation du Parlement repose sur deux documents distincts : le budget annuel et le budget principal des dépenses. Le budget annuel, tout d'abord, correspond à une forme de déclaration de politique générale du Gouvernement. Le budget annuel ou « Budget » fait état des prévisions de recettes et de dépenses dans leurs grandes lignes et souligne les priorités budgétaires, sociales et économiques du gouvernement. En général, la présentation du budget intervient en février ou en mars, mais elle n'est juridiquement encadrée par aucune date de dépôt. Il est débattu pendant un maximum de quatre jours au Parlement. Il ne s'agit pas d'une loi et sa normativité juridique est nulle : c'est donc l'équivalent d'un document d'orientation budgétaire (DOB). L'approbation du budget du ministre des Finances n'autorise pas le gouvernement à engager des dépenses. Le gouvernement peut par la suite présenter des projets de loi d'exécution du budget pour faire adopter des dispositions du budget, comme des mesures fiscales. Le budget principal des dépenses, ensuite, est élaboré par le secrétariat du Conseil du Trésor, et correspond, en France, à la partie « dépenses » des projets de loi de finances ainsi qu'à la documentation budgétaire - « bleus », « jaunes » et « oranges », ainsi qu'annexes telles que le rapport économique, social et financier et les Voies et Moyens.
Jusqu'en 2017, le Secrétariat du Conseil du Trésor du Canada préparait le budget principal des dépenses - c'est-à-dire la documentation budgétaire - avant que le ministère des Finances du Canada établisse le budget annuel, à savoir ses priorités politiques, ce qui conduisait à l'élaboration de documents budgétaires incomplets. Ainsi, le budget principal des dépenses était dressé durant l'automne sur la base d'une analyse « technique », ne prenant pas en compte les derniers arbitrages politiques du Gouvernement. La nouvelle échéance pour le dépôt du budget principal des dépenses est désormais fixée au 16 avril, et non plus au 1er mars ; le Conseil du Trésor devrait donc avoir davantage de temps pour adapter le budget principal des dépenses, qui constitue l'autorisation juridique de dépenser, au budget annuel, qui reste une déclaration de politique du Gouvernement. La réforme des délais mise en oeuvre en 2017 ne sera cependant sans doute pas suffisante pour modifier les pratiques en profondeur et le directeur parlementaire du budget a dit craindre que le nouvel échéancier adopté pour le dépôt du budget principal des dépenses n'atteigne pas son objectif d'améliorer la cohérence des documents budgétaires en l'absence de réforme plus globale de la procédure. Le Gouvernement demeure libre de présenter son budget - c'est-à-dire les grandes lignes de sa politique budgétaire - après l'élaboration de la loi portant affectation de crédits, ce qui limite fortement sa portée et sa lisibilité. En outre, les projections de dépenses globales du gouvernement faites dans le budget et dans le budget principal des dépenses ne peuvent pas être aisément rapprochées et comparées parce qu'elles sont produites à l'aide de méthodes comptables différentes. Enfin, l'analyse des crédits par les comités parlementaires peut être, selon les cas, très lacunaire. Un comité peut par exemple être réputé avoir rendu son rapport malgré l'absence de tout examen en commission et, a fortiori, de tout rapport portant sur la budgétisation des crédits.
Dans le cadre de la révision constitutionnelle et de la réforme de la procédure budgétaire, on entend souvent qu'il faudrait passer moins de temps à analyser les dépenses et à en débattre en séance au moment du projet de loi de finances. Ce que nous considérons comme un défaut est plutôt envié au Canada, où l'enjeu est justement de renforcer la prise du Parlement sur le budget !