Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, Pierre Méhaignerie m’a dit un jour : « Pour faire une bonne politique du logement, il faut créer de la confiance. » La rapporteur au fond de ce projet de loi l’a rappelé : les derniers chiffres connus montrent une baisse significative des permis de construire et des constructions neuves au premier semestre, baisse qui se poursuivra d’ici à la fin de l’année et qui marque le début de cette crise de confiance après les annonces fiscales et financières qu’a faites le Gouvernement l’an dernier.
Tous les indicateurs nous laissent à penser que nous allons connaître dans les deux ans qui viennent non pas un choc de l’offre, mais un choc sur l’offre de logements.
Plusieurs gouvernements ont tenté de combattre cette fameuse crise du logement, due à des problèmes essentiellement démographiques. Ceux qui y ont réussi partiellement le doivent souvent à des questions de méthode. Ce fut le cas pour la loi de cohésion sociale, présentée il y a quelques années par Jean-Louis Borloo, dans un contexte de chômage aussi important qu’aujourd’hui, qui a permis d’augmenter de 50 % le nombre des constructions et de tripler le financement du logement social. Ce fut le cas également lorsque Mme Pinel proposa des mesures pragmatiques de relance du logement. Il n’y a donc pas de fatalité à la crise du logement.
Sous l’impulsion du président du Sénat, Gérard Larcher, et de vous-même, monsieur le ministre, le processus d’élaboration de ce texte a été enrichi par une démarche originale à travers la conférence de consensus, bonne initiative ayant permis d’engranger beaucoup de bonnes propositions que nous ne retrouvons pas dans les textes et les prises de position du Gouvernement.
Le président Larcher l’a dit : il faut adopter une approche pragmatique qui prenne mieux en compte les besoins et les spécificités des contraintes de tous les territoires, et il y a urgence à simplifier les nouveaux dispositifs.
Force est de constater que le projet de loi n’est pas un texte de décentralisation – notre excellente rapporteur au fond l’a dit –, puisque, dès ses premiers articles, il prévoit de créer de nouveaux outils permettant de dessaisir le maire de ses prérogatives et d’introduire le préfet quasiment à tous les niveaux dans le cas de grandes opérations d’urbanisme, dont l’utilité reste à démontrer après l’échec retentissant des opérations d’intérêt national.
Plusieurs autres articles dénotent une méfiance certaine du Gouvernement vis-à-vis des élus locaux, en particulier des maires. Il y a donc une nécessité impérative pour le Sénat de réintroduire le rôle du maire, qui est central dans tout ce qui touche à l’utilisation et à la régulation du droit du sol.
Le projet de loi n’est pas non plus un texte de simplification, puisque, comme vous l’avez vous-même dit, il s’est encore alourdi, dépassant désormais les 200 articles après avoir commencé à 55 articles. Si on les regarde bien dans le détail, on s’aperçoit qu’aucun ne crée de nouveaux outils plus efficaces que les anciens – ils sont même toujours plus complexes –, sans même qu’on ait bien utilisé ces derniers.
Enfin, ce texte ne s’attaque pas vraiment aux deux contraintes majeures qui contrarient l’augmentation de la construction dans le pays : la contrainte financière, qui a fait l’objet de discussions dans la loi de finances, qui privilégie les zones tendues au détriment des villes moyennes et des territoires ruraux ; la contrainte urbanistique, j’y insiste au nom de tous ceux qui sont en train d’élaborer des PLU ou des SCOT, de plus en plus enserrés, obérés par des prescriptions environnementales toujours plus lourdes qui raréfient considérablement le foncier disponible. Certes, on peut faire du renouvellement urbain, mais cela a des limites. Il y a donc une contradiction entre vouloir construire plus et ne pas simplifier ces règles d’urbanisme.
Malgré une saisine au périmètre très large – 71 articles –, la commission des lois a fait le choix de déposer seulement 34 amendements, là aussi pour des raisons d’efficacité et de simplification.
Je ne reviendrai pas sur ce qui a été dit par nos excellents collègues Dominique Estrosi Sassone, Patrick Chaize et Jean-Pierre Leleux et insisterai sur les aspects majeurs de ce texte nous concernant.
Lorsqu’on touche au droit de la copropriété, au pouvoir de police du maire, pour ne prendre que ces exemples, il n’est pas sain, monsieur le ministre, de procéder par ordonnance et de priver ainsi le Parlement de son pouvoir législatif, alors qu’il est le garant de l’équilibre des territoires et des relations entre les propriétaires et les locataires.
En outre, nous avons proposé un amendement visant à expérimenter une mutualisation intercommunale – notre collègue Dominique Estrosi Sassone l’a fait pour l’échelle communale – pour atteindre les objectifs de la loi SRU. Il ne s’agit en rien de la détricoter, puisque l’objectif de 25 % de production de logements locatifs sociaux assigné à chaque commune continuera de s’appliquer sur le stock ; il s’agit de la rendre plus efficiente pour qu’on n’en fasse pas un épouvantail. Nous vous proposerons des dispositifs sur lesquels nous espérons avoir votre écoute.
En conclusion, je dirai que ce texte comprend plusieurs points positifs pour accélérer la construction, notamment la lutte contre les recours abusifs et la lutte contre l’habitat indigne, mais il manque un ingrédient essentiel – je l’ai dit au début, et j’en termine par là – : la confiance dans les territoires, la confiance dans les élus locaux, que nous proposons de réintroduire par plusieurs amendements, alors même que plusieurs gouvernements précédents s’étaient appuyés avec succès sur cette confiance pour réussir à résoudre la crise du logement. Mais, c’est vrai, c’était dans l’ancien monde…