Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je vous indique dès à présent que ma collègue Sonia de la Provôté viendra compléter mes propos sur les aspects d’urbanisme, notamment sur les questions relatives aux centres-villes et aux centres-bourgs.
C’est au terme d’un long processus que nous abordons aujourd’hui l’examen du projet de loi ÉLAN. Je salue à ce titre l’implication du Sénat et de son président, Gérard Larcher, à l’initiative de la conférence de consensus, qui a permis de recueillir, auprès des professionnels du logement et de l’aménagement, un nombre de propositions digne de l’ampleur du texte proposé par le Gouvernement.
Au travers des interrogations soulevées par les acteurs rencontrés lors de cette conférence comme au cours du travail préparatoire qui a suivi, de grands enjeux ont pu être identifiés, qui conditionnent l’examen du projet de loi.
Tout d’abord, la place des collectivités est rapidement apparue comme une problématique centrale. Celle-ci est en effet remise en cause tout au long du texte, et ce au profit d’une recentralisation, à rebours du discours de prise en main des politiques locales par les acteurs locaux, pourtant attendue et soutenue.
La gouvernance territoriale est essentielle. Nous défendrons des propositions en ce sens, pour que les politiques du logement et de l’habitat soient opérationnelles à une échelle pertinente sur le territoire et adaptées aux réalités locales.
Sans surprise, l’impact de la loi de finances pour 2018 et de la réduction de loyer de solidarité ne peut être occulté. Cette mesure a d’ores et déjà profondément affecté l’activité des bailleurs sociaux et le nombre de logements produits. Or le projet de loi ÉLAN ne nous semble pas permettre de remédier à l’ensemble des difficultés constatées. Les déséquilibres de production, à cause desquels les programmes locaux de l’habitat territoriaux menacent de ne pas atteindre leurs objectifs, risquent donc de s’aggraver.
Force est le constater : ce budget 2018 pose même aujourd’hui la question des moyens dont disposent les collectivités et les bailleurs pour atteindre les objectifs de l’article 55 de la loi SRU, dont nous ne voulons pas le détricotage, mais pour lequel le principe de réalité doit s’appliquer, car des distorsions et des phénomènes contradictoires se font jour.
Monsieur le ministre, nous vous rejoignons dans la volonté de réformer le secteur du logement social. Vos objectifs sont louables, et nous les approuvons. Toutefois, les moyens que vous comptez mettre en œuvre pour les atteindre ne nous paraissent, souvent, adaptés ni aux besoins des bailleurs ni aux intérêts des habitants de ces logements.
Vous proposez ainsi de regrouper les organismes de logement social afin de gagner en efficacité de gestion et de dégager des économies. Or vous risquez parfois de créer des structures surdimensionnées, sans prise avec les réalités fines de nos territoires, même si, comme vous l’avez rappelé, vous essayez d’infléchir les mesures prises.
Parfois, cette politique sera menée au détriment d’écosystèmes cohérents, efficaces dans leur gestion, et de certaines structures qui, fragilisées, pourraient se retrouver sans preneur dans les délais attendus. À ce sujet, des amendements présentés, il me semble, sur plusieurs travées devraient être pris en considération.
Vous proposez également de remédier à la baisse des aides publiques au logement en faisant de la vente du parc social un moyen de financement. Vous ouvrez ainsi la voie à une privatisation dangereuse du secteur. Vous fixez même un objectif annuel de vente de 40 000 logements sociaux par an, alors même que – vous l’avez rappelé – l’ensemble des bailleurs réunis ne dépassent pas les 8 000 ventes annuelles, faute de demande.
Par ailleurs, cette vente ne peut être menée dans une seule logique comptable, sans accompagnement des reprises de logements. Nous devons anticiper la constitution de copropriétés dégradées et être particulièrement vigilants à cet égard.
Enfin, pour faciliter la mise en œuvre de ces mesures, vous proposez de minimiser les possibilités de contrôle dont disposent les élus locaux, en particulier le maire. C’est ne faire aucun cas du rôle central des collectivités dans le financement et dans la garantie du logement social, de l’importance des communes et des EPCI pour la viabilité du système. Dominique Estrosi Sassone a d’ailleurs, à juste titre, introduit dans ce texte l’avis conforme du maire pour ce qui concerne la vente des logements sociaux : il s’agit là, à nos yeux, d’un point absolument essentiel.
Pour sa part, le groupe Union Centriste défendra une série d’amendements. Nous proposerons d’ajouter, à la convention d’utilité sociale, un volet territorial qui comprendrait non seulement un plan de vente territorialisé, mais aussi un plan de prévention des risques de copropriétés dégradées. Tout l’intérêt réside dans la signature tripartite de cette convention : il faut que les collectivités se voient remettre, à l’échelle territoriale, la mise en œuvre des politiques voulues par le Gouvernement.
Outre les dangers qu’elles impliquent pour l’avenir de l’ensemble du secteur, ces mesures s’ajoutent à d’autres évolutions récentes qui consacrent le retour de l’État central et où l’idée de coproduire les politiques publiques avec les acteurs territoriaux disparaît, qu’il s’agisse des politiques de l’habitat ou de l’aménagement du territoire.
À ce titre, la réforme d’Action logement est particulièrement révélatrice. Les mesures proposées relèvent d’une même logique, d’une même philosophie, que nous ne saurions approuver sans que certains engagements de l’État soient réintroduits.