Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, tout avait bien commencé… Oui, je le dis sans ambages, tout avait – presque – bien commencé.
Lorsque, en septembre 2017, vous avez présenté, monsieur le ministre, votre stratégie pour le logement, j’ai pu constater des ambitions et des objectifs que nous avions en partage : la relance de la construction pour répondre aux besoins de logement, la rénovation urbaine pour améliorer le cadre de vie, la volonté de favoriser l’accession à la propriété dans le cadre d’un parcours résidentiel efficace. Autant de volontés partagées, parce qu’elles semblaient s’inscrire dans une logique de justice sociale.
Tout avait donc bien commencé. Mais, de la parole aux actes, il y a un long chemin, un long chemin que, bien trop souvent, le Gouvernement auquel vous appartenez ne prend pas la peine d’emprunter. Au reste, la trahison des actes sur les mots a débuté bien avant ce projet de loi ; elle s’est révélée, voilà quelques mois, dès la présentation du projet de loi de finances pour 2018 et des moyens budgétaires pour le logement : diminution des aides à la pierre, diminution des APL, suppression de l’aide aux maires bâtisseurs, déstabilisation majeure du modèle du logement social par la suppression de 70 % de la capacité d’investissement des organismes d’HLM…
Dans un pays où plus de 4 millions de personnes souffrent du mal-logement, il est inacceptable de freiner la construction de logements ! Inacceptable de demander aux plus modestes de se serrer la ceinture, quand les plus aisés bénéficient des largesses fiscales du pouvoir ! Mais cela ne semble pas vous émouvoir, puisque, comme l’a souligné M. Dallier, une nouvelle baisse de 1 milliard d’euros sur les APL serait à prévoir dans le projet de budget pour 2019.
Aujourd’hui, le projet de loi que nous examinons est vicié par l’idée centrale sur laquelle il repose : celle qui consiste à considérer la politique du logement comme une politique coûteuse pour la Nation. Partir de ce constat, c’est oublier sciemment les ressources qu’elle apporte en termes de TVA, de taxe foncière et d’activité économique.
Investir dans le logement, c’est investir pour que chacun ait un toit ; c’est investir dans le secteur du bâtiment, le premier employeur de France.
C’est donc ferrés par le dogmatisme de Bercy que nous allons débattre, alors que nous aurions pu construire ensemble des solutions de logement réconciliant humanité, solidarité et économie.
Le projet qui nous est présenté s’inscrit dans une logique de centralisme, de privatisation et de financiarisation du patrimoine français du logement social, au détriment de la mixité sociale et de l’accès au logement pour tous.
En limitant la capacité financière des bailleurs HLM et en les regroupant, monsieur le ministre, vous les contraignez à s’orienter vers le secteur privé pour emprunter. Vous autorisez la vente en bloc d’immeubles HLM, alors que vous avez avoué, la semaine dernière, que les objectifs en termes de construction de logements sociaux seront difficiles à atteindre.
Croire que vendre une HLM permettrait d’en construire trois est bel et bien un fantasme : l’expérience a toujours montré que la vente de logements HLM ne se substitue pas à l’investissement de fonds publics pour construire davantage de logements sociaux.
Aborder la thématique du logement, c’est prendre à bras-le-corps la question de la mixité sociale et le devoir républicain de garantir à tous la possibilité d’être logé.
En commission, la majorité sénatoriale l’a oublié. En dévitalisant avec méthode la loi SRU, elle a profondément attaqué cette mixité, en dépit de toute logique de justice et de bon sens économique.
Comptabilisation dans les 25 % de logements sociaux des logements provisoires, passage de 1 500 à 3 500 habitants pour l’exemption des communes en Île-de-France… Mes chers collègues, vous revenez même à vos réflexes les plus anciens, datant de 2006, quand vous proposiez la mutualisation à l’échelle de l’EPCI du reste des logements sociaux à construire par les communes. Une proposition qui avait fait se déplacer l’abbé Pierre, venu à l’Assemblée nationale à l’âge de quatre-vingt-treize ans et en fauteuil roulant pour dénoncer des amendements « inacceptables » mettant en « question l’honneur de la France ».