Je m’étonne également de la démagogie dont a fait preuve la majorité de l’Assemblée nationale. Sans doute conscients que le dispositif de la proposition de loi était fort contestable, les députés ont souhaité compléter le texte par plusieurs articles additionnels pour – prétendument – renforcer l’éducation à l’utilisation d’internet et des outils numériques.
Néanmoins, l’un des articles du code de l’éducation que les députés se proposaient de compléter au travers de l’article 2 était de portée bien trop générale pour qu’il y soit fait mention de l’éducation à « l’utilisation d’internet et des services de communication au public en ligne ». Sur proposition de notre rapporteur, il a fort heureusement été supprimé en commission.
Les deux autres articles ajoutés ne bouleversent en rien l’arsenal déjà prévu par le code de l’éducation pour sensibiliser les élèves et les étudiants aux dangers de l’internet.
Modifier, au travers de l’article 3, le dispositif actuel du code de l’éducation, qui prévoit déjà une formation à l’utilisation des outils numériques et de leurs contenus, ainsi qu’une sensibilisation au respect de la vie privée, aux règles relatives aux données personnelles et aux droits d’auteur et voisins, pour indiquer qu’il s’agira désormais d’une utilisation « responsable » de ces outils ou substituer à la « sensibilisation » une « éducation » aux droits et devoirs liés à l’usage d’internet et des réseaux ne révolutionnera en rien l’éducation à l’utilisation des outils d’internet et aux droits et devoirs de l’internaute. De telles modifications prêteraient presque à sourire si elles ne figuraient pas dans le texte…
On ne pourra également que s’étonner de la précision figurant à l’article 4, selon laquelle les projets d’école et d’établissement pourront prévoir des expérimentations sur « l’utilisation des outils et ressources numériques » : la nature législative d’une telle disposition n’est pas avérée et, dans la pratique, les projets d’école et d’établissement sont déjà très souvent axés autour de cette utilisation.
Ces articles introduits par l’Assemblée nationale, de portée normative extrêmement limitée, permettront vraisemblablement au législateur de se donner bonne conscience : il estimera sans doute avoir agi de façon préventive, et pas seulement de manière coercitive, par le biais du seul dispositif de l’article 1er.
Ce n’est pas ainsi que nous envisageons notre rôle de législateur ! Rien ne justifiait de demander au Parlement de travailler sur un problème certes très important, mais dont les solutions résident non pas dans la mise en œuvre d’une nouvelle loi, mais dans une application plus stricte de la loi actuelle et dans un renforcement de l’éducation parentale et de la pédagogie scolaire.