L’article 20 est effectivement assez étonnant, car il peut s’apparenter, là encore, à une forme de dérégulation d’un secteur bien particulier, sans aucune évaluation ni justification précise.
La loi MOP, qui repose sur le triptyque maître d’ouvrage-maître d’œuvre-entrepreneur, prévoit, à son article 18, une exception dite de « conception-réalisation », permettant à un même opérateur de remplir ces deux missions. Pour autant, afin d’éviter tout excès, et surtout de maintenir un équilibre entre les différents acteurs économiques, le recours à ce type de marché est strictement encadré, seules deux raisons pouvant le motiver.
Depuis 2009, le champ de cette dérogation est encore plus vaste pour les bailleurs sociaux, qui sont exemptés de toute justification de recours aux contrats de conception-réalisation. Cette expérimentation a déjà été prolongée et, initialement, le projet de loi prévoyait de l’étendre jusqu’à la fin de 2021.
Or, à l’Assemblée nationale, les députés ont décidé de pérenniser ce dispositif et de l’inscrire dans le droit commun, sans prendre le temps d’en mesurer l’efficacité réelle ni d’effectuer un quelconque bilan de l’expérimentation. À ce titre, rappelons que la dernière analyse du dispositif remonte au rapport du Conseil général de l’environnement et du développement durable, qui date de 2013.
Autrement dit, nous, législateurs, pourrions graver dans la loi une procédure insuffisamment expertisée, aux conséquences incertaines et potentiellement lourdes, que ce soit en termes de qualité de construction, de coût global, de valeur d’usage pour les habitants ou d’équilibre économique pour l’ensemble du secteur.
D’ailleurs, dans son avis, le Conseil d’État soulignait à juste titre que, dans l’éventualité d’une pérennisation de la conception-réalisation, il serait nécessaire « de prendre en compte tant les impératifs auxquels la loi MOP entend répondre que les enjeux auxquels sont confrontés les offices publics de l’habitat ». En l’état actuel du texte, où ces impératifs sont-ils pris en compte ? La réponse est claire : nulle part !
Nous ne sommes absolument pas idéologues sur le sujet, comme nous ne sommes nullement farouchement opposés à la procédure de conception-réalisation. Cependant, il faut agir raisonnablement, en s’appuyant sur une évaluation complète de cette mesure, sur une véritable étude, et tout simplement revenir au projet de loi initial, qui prévoyait la prolongation de la dérogation jusqu’en 2021. « Le temps est le plus sage de tous les conseillers », disait Périclès.