Intervention de Bernard Salha

Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques — Réunion du 24 mai 2018 à 9h10
Les nouvelles tendances de la recherche sur l'énergie : i — L'avenir du nucléaire - compte rendu de l'Audition publique du 24 mai 2018

Bernard Salha, directeur R&D, EDF : l'usine nucléaire du futur :

La démarche de l'usine nucléaire du futur a été mise au point avec nos collègues industriels et exploitants du secteur nucléaire : Framatome, CEA et Orano. Elle vise à intégrer dans les réacteurs à eau existants et futurs, du type EPR ou SMR, les technologies les plus récentes. La durée de vie des réacteurs est en général longue de plusieurs dizaines d'années, alors que le rythme des évolutions technologiques est plus rapide. Or, il est important de pouvoir intégrer ces technologies à l'intérieur du périmètre des réacteurs.

Parmi ces technologies, citons tout d'abord le numérique qui, grâce à des puissances de calcul plus importantes et aux techniques d'intelligence artificielle, permet de développer des notions de « jumeau numérique », dont je présenterai un exemple ultérieurement. Ces technologies sont parfaitement adaptables à nos réacteurs existants.

Ces innovations recouvrent aussi le champ des nouveaux modes de fabrication : fabrication additive et mécanique des poudres, permettant de fabriquer des composants élémentaires, pouvant servir également de pièces de rechange et suppléer un certain nombre de fournisseurs, ou de manques de fournisseurs, dans l'industrie. Elles englobent, en outre, de nouveaux modes de fabrication dans le domaine du génie civil, alliant structures métalliques, bétons.

Ces technologies concernent aussi la question des combustibles plus performants. On parle ainsi d'« accident tolerant fuel », c'est-à-dire de combustibles dont les gaines seraient plus robustes, avec éventuellement, sur le long terme, la possibilité d'avoir des gaines résistant à de très hautes températures. Par exemple, nos collègues du CEA développent dans ce domaine des projets autour de matières céramiques.

Cela rejoint enfin la question de l'intégration de ces centrales nucléaires dans des mix énergétiques faisant une grande part aux énergies renouvelables variables, autour de la notion d'intermittence. L'objectif est de permettre de gérer la cohabitation entre centrales nucléaires et énergies renouvelables variables.

Nous avons rangé les vingt briques technologiques recensées dans ce cadre en quatre grands thèmes. Le premier vise à tirer profit du numérique, tout au long du cycle de vie des installations. Le deuxième consiste à anticiper des scénarios de flexibilité à l'horizon 2030. Le troisième concerne l'amélioration permanente de la sûreté, pour faire face aux nouvelles conditions et évolutions environnementales, réglementaires et sociétales. Le quatrième thème consiste enfin à évaluer et accompagner le développement de nouvelles méthodes de construction, fabrication, rénovation et réparation.

Chacune de ces briques fait l'objet d'un projet, avec des finalités, des livrables, et permet d'avoir des impacts industriels directs sur les réacteurs existants.

Je vais illustrer mon propos avec l'exemple de l'une de ces briques technologiques, nommée « le jumeau numérique GV ». L'idée est de faire cohabiter un gros équipement industriel, en l'occurrence un générateur de vapeur, avec son jumeau numérique. Le principe est de disposer, pour chacun de ces gros équipements, d'une maquette numérique, complètement identique, qui pourra cohabiter avec les équipements existants et, s'agissant d'un outil numérique, permettra d'anticiper des modes d'exploitation. Un générateur de vapeur sur une centrale nucléaire REP est un très gros composant, qui pèse environ 500 tonnes, et doit être remplacé au bout de vingt à trente ans d'exploitation. Il est composé de plusieurs milliers de tubes, dont le colmatage, l'usure, la corrosion, ou l'encrassement induisent le remplacement du générateur. L'idée est donc de disposer, au travers de l'exploitation, d'un certain nombre de données de mesures et d'inspection, et de pouvoir ainsi actualiser une maquette numérique, de façon périodique, afin d'en déduire des évolutions d'exploitation et de maintenance, permettant d'optimiser la durée de vie de ces générateurs de vapeur, en toute sûreté. Cette démarche a pour but de gagner à la fois en termes de durée de vie des générateurs de vapeur et de remplacement.

Cette technologie est parfaitement applicable aux réacteurs existants et pourrait également être utilisée sur les réacteurs REP futurs, comme les EPR. Il s'agit d'une technologie tout à fait transverse, qui fait appel aux compétences de l'ensemble des grands industriels : fabricants de générateurs de vapeur comme Framatome, exploitants comme EDF, ainsi que nos collègues du CEA, qui ont développé ces modèles numériques.

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