Je vois deux manières d'aborder le problème. La première se place du point de vue purement scientifique : on peut, dans ce contexte, décliner à perte de vue un certain nombre d'options techniques, scientifiques, avec différents degrés de maturité. Une deuxième façon d'appréhender la question consiste à considérer que l'on ne se situe pas uniquement dans un registre scientifique, mais qu'il nous faut aussi conseiller la sphère de décision politique. Viennent alors se coupler à ces questions un ensemble d'éléments qui ne concernent pas seulement les compétences existantes, mais aussi l'outil industriel actuel, l'histoire et la temporalité. Il est différent de penser un réacteur ou un procédé pertinents à échelle de cinquante ans, un dispositif susceptible d'être développé immédiatement, dans le parc actuel, ou encore un système qui devra pouvoir être mis en oeuvre à horizon de vingt ou trente ans. La connaissance de ce qu'il est envisageable de mettre en place sans délai existe déjà. Par contre, il est nécessaire de lancer dès à présent les travaux de recherche permettant d'envisager ce que l'on pourra faire dans dix ou vingt ans.
Personne, pas plus moi que pour quiconque, ne peut aujourd'hui affirmer que l'on aura encore besoin, ou pas, du nucléaire dans cinquante ans, en conséquence de quoi l'essentiel me semble être de laisser à la puissance publique l'ensemble des décisions qui pourront être prises, et de ne pas préempter, en décidant tout de suite quelque chose que l'on n'est pas en mesure de garantir scientifiquement, et techniquement.
En revanche, il me semble évident que si le nucléaire est pertinent à l'échelle de cinquante ou cent ans, alors il sera nécessairement international. Ainsi, selon moi, tout ce qui concourt à imaginer le nucléaire du futur doit être pensé en termes de collaboration internationale. La logique consiste donc à connaître l'endroit où l'on est, de par les compétences dont nous disposons, et le tissu industriel en place, et à choisir les voies pour lesquelles nous sommes le plus légitimes à prendre le lead. Cela ne signifie pas que l'on ne doive pas participer à d'autres travaux, mais doit conduire à être conscient du fait que l'on ne pourra avoir le lead dans tous les domaines.
C'est cette convolution entre la science, le contexte industriel et les choix politiques qui doit conduire à une décision.