Intervention de Bernard Salha

Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques — Réunion du 24 mai 2018 à 9h10
Les nouvelles tendances de la recherche sur l'énergie : i — L'avenir du nucléaire - compte rendu de l'Audition publique du 24 mai 2018

Bernard Salha, directeur R&D, EDF : les grandes priorités de R&D définies par la Plateforme France Nucléaire (PFN) :

La Plateforme France Nucléaire réunit les grands acteurs exploitants du nucléaire français (CEA, EDF, Framatome et Orano). Elle s'est penchée, fin 2017 début 2018, sur les grands enjeux de la R&D nucléaire française menée par ces industriels. J'ai été en charge de préparer et piloter le dossier d'élaboration, aux côtés de mes collègues des autres entreprises. L'objet de mon propos est de vous en donner les conclusions majeures, et quelques chiffrages précis.

En termes de moyens, je n'évoquerai ici que les dépenses de fonctionnement liées à ces activités de recherche, non les budgets d'investissement, qui n'ont pas fait l'objet d'un examen détaillé par la PFN. Je ne parlerai également que d'activités de recherche, pas d'activités d'ingénierie, ces dernières étant notables sur certains réacteurs.

Le budget global des quatre partenaires précités en termes de R&D, pour le volet fonctionnement, s'établit à 710 millions d'euros par an. Il se décompose en 300 millions d'euros consacrés aux réacteurs à eau pressurisée, essentiellement aux réacteurs en exploitation et à des questions de sûreté, dont certaines évoquées par M. Pierre-Franck Chevet. La part de R&D consacrée, hors ingénierie, aux réacteurs nouveaux est de l'ordre d'une cinquantaine de millions pour les EPR, et d'une vingtaine de millions d'euros pour les petits réacteurs modulaires (SMR). Les travaux de fermeture du cycle, et notamment les travaux de recherche liés à la conception du réacteur ASTRID, s'élèvent, pour le volet R&D, à environ 70 millions d'euros, et ceux relatifs au traitement du combustible et aux usines du cycle à environ 130 millions d'euros. Le démantèlement, hors partie Cigéo, représente quelque 30 millions d'euros. Les codes de simulation constituent une partie importante, avec 100 millions d'euros : ce montant résulte du développement des outils numériques utilisés pour la conception et l'exploitation des réacteurs, et tout particulièrement pour les études de sûreté. Un point important, dont il a été peu question ce matin, concerne les installations d'essai, pour lesquelles le budget est voisin de 80 millions d'euros, hors investissement.

Ce budget global d'environ 700 millions d'euros est réalisé pour plus de la moitié par nos collègues du CEA, et financé en partie par les grands industriels (EDF, Framatome et Orano). Il représente un montant important dans l'absolu, mais est du même ordre de grandeur, voire dans la fourchette basse, que ceux des autres grands acteurs du nucléaire civil mondial, qu'il s'agisse des États-Unis, de la Chine, du Japon ou de la Russie. La comparaison menée pour la R&D réalisée dans le domaine nucléaire en France, en Russie, et au Japon montre en effet que leurs dépenses sont du même ordre de grandeur, soit 700 millions d'euros environ. Les sommes en jeu sont beaucoup plus importantes aux États-Unis. Le Congrès américain a ainsi voté, fin mars 2018, un budget de l'ordre de 1 200 millions de dollars, en augmentation de 28 % par rapport à ce qui avait été exécuté en 2017, allant au-delà de la budget request du président. Le budget est également beaucoup plus élevé en Chine, certainement supérieur à 1 500 millions de dollars, ce qui permet au pays de travailler sur de nombreux prototypes de réacteurs, et de nouveaux designs.

L'effort français est donc important dans l'absolu, et doit être maintenu à ce niveau, si nous voulons rester compétitifs vis-à-vis des autres grands acteurs internationaux. Signalons aussi que les connaissances, brevets, et compétences futurs, propres de l'industrie nucléaire française, seront en grande partie issus des programmes de recherche que nous développons aujourd'hui.

En termes de grandes priorités, a été reconnu par la PFN l'intérêt de la démarche « briques technologiques », que j'ai évoquée lors de ma première intervention, ainsi que l'intérêt de travailler sur les projets SMR, notamment le projet dit « I 150 », de vingt millions d'euros, auquel nous sommes associés avec TechnicAtome, le CEA, et Naval group.

Sur la fermeture du cycle et la génération IV, deux grandes priorités ont été définies. Il s'agit, à court terme, de poursuivre les activités de recherche sur les MOx, notamment sur les questions d'optimisation de fabrication, de comportement du combustible, et de sûreté. À plus long terme, les partenaires industriels de la PFN partagent tout l'intérêt d'une stratégie de développement RNR, avec deux composantes : une composante simulation, et un volet expérimentation, susceptible de s'appuyer sur un petit réacteur, dont la puissance est à fixer en fonction des verrous technologiques qu'il permettra de lever.

Nous avons également considéré l'intérêt d'examiner, en termes de recherche, la faisabilité du multi-recyclage des combustibles en réacteur REP, grâce à des combustibles innovants.

Les installations d'essai doivent également faire l'objet d'une revue périodique, afin de s'assurer de leur adéquation dans la durée.

En termes d'innovation, je voudrais insister sur la nécessité, soulignée précédemment par ma collègue d'Orano, de faire appel aux start-up, PME et ETI. Nous voulons, en particulier, lancer deux initiatives : l'une intitulée « French fab initiative », de l'ordre de 40 millions d'euros, pour développer les technologies du futur en termes de fabrication innovante, l'autre consacrée aux réacteurs nucléaires numériques, qui pourrait être de l'ordre d'une vingtaine de millions d'euros.

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