Intervention de Sylvain David

Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques — Réunion du 24 mai 2018 à 9h10
Les nouvelles tendances de la recherche sur l'énergie : i — L'avenir du nucléaire - compte rendu de l'Audition publique du 24 mai 2018

Sylvain David, directeur adjoint scientifique, CNRS/IN2P3 : l'implication du CNRS dans les recherches sur l'énergie nucléaire :

Je vous remercie de m'offrir l'opportunité de vous donner une vision globale de l'implication du CNRS dans le domaine de l'énergie nucléaire. J'insisterai notamment sur les différentes collaborations que nous avons développées, puisque la quasi-totalité des recherches que nous menons dans ce domaine s'effectue en collaboration avec les grands acteurs du nucléaire.

Tout d'abord, je rappellerai que la recherche académique s'est vraiment mobilisée et structurée dans le domaine de l'énergie nucléaire avec la loi de 1991 sur les déchets nucléaires, loi d'ouverture invitant à explorer le champ des possibles, et les options nouvelles de gestion des déchets. Cette loi a pris fin en 2006, remplacée par un texte législatif de recentrage sur deux priorités nationales, que sont les réacteurs à neutrons rapides au sodium, et le stockage géologique des déchets dans l'argile, avec le projet Cigéo. Cette évolution législative cadrant les recherches a conduit le CNRS à se repositionner.

L'enquête énergie que nous menons depuis plusieurs années dans les unités mixtes de recherche (UMR), associant le CNRS avec un partenaire, université, école ou autres, fait apparaître, en 2017, 530 équivalents temps plein (ETP) déclarant travailler sur l'énergie nucléaire de fission. Ce chiffre est en baisse de 20 à 30 % depuis cinq ou six ans, mais reste néanmoins très conséquent. 72 ETP travaillent ainsi sur les systèmes actuels de génération II et III, sur lesquels de la recherche fondamentale ou amont reste à faire, une quarantaine sur les systèmes nucléaires du futur, dont les réacteurs au sodium, les réacteurs hybrides, les réacteurs à sels fondus, et une centaine sur les aspects de sûreté et d'intégrité des centrales. Ces recherches, très pluridisciplinaires, mobilisent sept des dix instituts du CNRS.

Le rôle du CNRS est de faire de la science, et de publier. Nous développons ainsi une approche spécifique dans le paysage, complémentaire de celle des autres acteurs. En conséquence, nous menons nos recherches selon trois axes.

Le premier consiste à développer des projets de science, autour des questions soulevées dans le nucléaire, en étant à l'écoute des besoins de nos partenaires, et en travaillant à les transformer en questions scientifiques fondamentales et génériques, susceptibles de s'appliquer à d'autres domaines que le nucléaire.

Notre deuxième axe est de continuer à explorer le champ des possibles, à penser hors du cadre, en s'intéressant à des systèmes innovants et futuristes, en examinant leur potentiel théorique, en identifiant des verrous scientifiques et technologiques, et en travaillant sur des scénarios innovants, à la fois sur les systèmes et sur les cycles du combustible. Par exemple, nous menons des travaux sur le cycle thorium dans les réacteurs à eau, ou encore sur la transmutation des actinides mineurs dans divers systèmes.

Notre troisième façon de travailler est d'effectuer du transfert de technologies ou de compétences issues de la recherche fondamentale, et susceptibles d'avoir des applications pertinentes dans l'énergie nucléaire. Ainsi, certains de nos travaux portent sur l'utilisation des muons cosmiques, notamment pour dimensionner des sites de ressources en uranium, ou de stockage de déchets nucléaires.

Toutes ces activités se déroulent en collaboration avec les grands acteurs du nucléaire, et selon trois modes de financement différents.

Le premier est un programme de recherche commun intitulé NEEDS (Nucléaire énergie environnement déchets et société), qui regroupe le CNRS, et sept partenaires : l'ANDRA, Orano, Framatome, le BRGM, le CEA, EDF et l'IRSN. Il vise à mobiliser de la recherche académique, et à mener le travail de transformation du besoin en questions scientifiques, susceptibles d'intéresser des chercheurs de haut niveau.

Nous développons également des collaborations bilatérales, essentiellement sur des aspects de recherches appliquées. Elles peuvent consister, par exemple, à développer avec un partenaire un détecteur, un code, etc. Il s'agit surtout de recherches à court terme.

Nous faisons enfin quelques appels à projets externes, sachant que l'Agence nationale de la recherche (ANR) soutient en général assez peu de projets sur l'énergie nucléaire.

Je terminerai en insistant sur l'enjeu, essentiel à mes yeux, de l'enseignement, et du lien étroit entre la mobilisation de la recherche académique et le développement de formations de haut niveau, susceptibles d'attirer de bons étudiants dans la filière nucléaire. Il reste encore beaucoup de travail à accomplir en la matière, même si des évolutions considérables ont eu lieu ces dernières années autour de masters, et de licences professionnelles assez ciblées sur le nucléaire, en partenariat très fort avec la filière nucléaire. Ces formations, pour la plupart en cours de labellisation par l'Institut international de l'énergie nucléaire (I2EN), fonctionnent bien et sont toutes portées par des équipes de recherche travaillant spécifiquement sur des thématiques liées à l'énergie nucléaire.

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