Intervention de Pierre-Marie Théveniaud

Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques — Réunion du 31 mai 2018 à 9h30
Quelle prise en compte de l'hypersensibilité aux ondes électromagnétiques — Compte rendu de l'Audition publique du 31 mai 2018

Pierre-Marie Théveniaud, président de l'association Robin des toits :

L'association Robin des toits centre son action sur les effets sanitaires des technologies sans fil. Bien évidemment, le problème de l'EHS, même s'il ne constitue pas à l'origine le coeur de nos préoccupations, l'est devenu en grande partie, car de plus en plus des personnes qui nous contactent se déclarent EHS, et nous posent une problématique qu'il est difficile pour nous de résoudre, dans l'aide que nous souhaiterions pouvoir leur apporter.

Je tiens à préciser que nous participons également au comité de dialogue de l'Anses sur les radiofréquences, et sommes tous, comme les membres de PRIARTEM, bénévoles. L'association ne vit que des cotisations de ses adhérents.

En préambule, j'aimerais rappeler le serment d'Hippocrate, et revenir rapidement sur les aspects cliniques. Nous sommes tout à fait heureux de constater que ceci a été pris en compte dans le cadre du rapport de l'Anses. Le fait que la symptomatologie soit réellement prise en considération constitue, à nos yeux, un réel progrès, une reconnaissance de fait, alors que nous avions le sentiment, auparavant, d'être souvent traités par le mépris.

J'apporterai simplement une légère réserve sur la question de l'auto-déclaration. La définition de l'EHS étant basée sur l'auto-déclaration, nous ne voudrions pas que celle-ci revête un aspect quelque peu dévalorisant, et renvoie à l'approche psychosomatique. Il me semble, au contraire, que dans l'approche clinique, le principe de base est que le médecin interroge et écoute le patient, et considère les symptômes ressentis comme réels. Le risque de s'appuyer sur l'auto-déclaration est de revenir à des considérations psychologisantes. Or, nous recevons de plus en plus de demandes de personnes EHS, en grande souffrance. Ceci va de la personne au Revenu de solidarité active (RSA), jusqu'au médecin anesthésiste qui ne peut plus travailler dans son hôpital à cause du wifi. La symptomatologie pose problème, puisqu'il s'agit de symptômes généraux fonctionnels. Il ne faudrait pas se retrancher derrière cette approche pour dénier les liens de cause à effet. Je suis très heureux d'avoir entendu parler de changement de paradigme. Il faudrait parvenir à mieux caractériser ces symptômes.

Nous sommes également satisfaits que le rapport de l'Anses mette l'accent sur la formation des médecins. En effet, il semblerait, selon les témoignages de personnes EHS qui nous sont transmis, que de nombreux médecins se réfugient, du fait de leur méconnaissance du sujet, derrière une approche défensive, et ne prennent pas réellement en compte ces patients.

Je voudrais également souligner la mise en relation des effets biologiques et la symptomatologie, qui s'effectue dans d'autres domaines. Je ne vois pas pourquoi l'expérimentation animale et les effets physiopathologiques ne seraient pas mis en relation avec la symptomatologie. Je ne comprends pas pourquoi l'on ne mène pas davantage de recherches dans ce domaine.

Je conclurai mon propos en évoquant le contexte évolutif. Les objets connectés se développent, tout comme la 5G bientôt, si bien qu'il sera de plus en plus difficile d'échapper à une exposition importante aux ondes. Je ne parle pas ici des basses fréquences, avec le compteur Linky. De nombreuses personnes se déclarant EHS ne savaient rien du Linky, ce qui doit poser question. En dehors de ces basses fréquences, nous allons être exposés de façon massive à des fréquences allant de 400 hertz à 37 gigahertz, ce qui nous pose un problème. Nous sommes, là, face à un véritable choix de société, autour du « tout connecté » : voiture, réfrigérateur, montre, médecine à distance, etc. Dans ce contexte, il est vraisemblable que le nombre de personnes EHS augmente. Pour l'heure, on ne dispose pas en France, contrairement à d'autres pays, d'une estimation claire du nombre d'EHS, ce qui est fort dommage, car ce serait parfaitement réalisable. Nous n'avons pas les moyens d'études épidémiologiques, mais constatons sur le terrain une augmentation importante du phénomène. Que va faire la société de ces futurs EHS ? Il s'agit d'une question fondamentale.

Il me semble également très important de souligner les aspects de prévention. Il a été fait référence à la formation des médecins et des personnels de santé. Il ne faudrait pas oublier la prévention et la formation au niveau de l'Éducation nationale, où beaucoup de choses peuvent se jouer. Il est important de former les professeurs de physique et de biologie, dont beaucoup méconnaissent ces aspects. Nous souscrivons tout à fait aux recommandations du rapport de l'Anses en matière de formation des intervenants, et espérons qu'elles seront suivies d'effets.

Pour conclure, il nous semble indispensable de réduire sans délai l'exposition du public aux champs générés par les technologies sans fil. Le déploiement de la 5G va multiplier le nombre d'antennes, différentes de celles que nous connaissons jusqu'à présent. L'association Robin des toits estime qu'il serait incompréhensible qu'une partie de la population, les EHS en l'occurrence, soit contrainte à souffrir pour permettre un développement technologique. Pour nous, il serait impensable de faire passer les enjeux économiques avant les enjeux de santé. Attention, nous ne sommes pas technophobes. Les expérimentations officielles menées à l'initiative de Robin des toits, dans le cadre du Grenelle des ondes, ont montré qu'il était possible de concilier la téléphonie mobile et le seuil de 0,6 volt par mètre préconisé par la résolution 1815 du Conseil de l'Europe.

Je terminerai en insistant sur le fait que les effets des ondes sur la santé des plus fragiles et des plus jeunes doivent absolument être pris en compte.

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