Celui qui vous parle est élu depuis quarante et un ans. J’ai donc connu la période d’avant la décentralisation. Lorsque les militants protestaient, on les menaçait de la Cour de sûreté de l’État, que certains ici ont connue. C’est un grand monsieur, Robert Badinter, qui a supprimé cette juridiction en 1981.
La période post-décentralisation représenta pour nous un véritable espoir. Le député Aimé Césaire avait alors demandé un moratoire pour donner une chance à la décentralisation. Près de quarante ans plus tard, force est de constater que nous sommes toujours dans la même situation. Les élus que nous sommes sont souvent discrédités dans leurs territoires. Victorin Lurel le sait. Les peuples prennent le relais et descendent dans la rue. Il a fallu deux mois et demi de manifestations dures en Guyane l’année dernière, à la veille des élections, pour obtenir quelques miettes.
Je maintiens ma position, car c’est une question de principe politique. Il faudra accepter un jour le fait que les outre-mer ne sont plus les « confettis de l’Empire », comme l’avait écrit, en 1976, le grand spécialiste de l’outre-mer Jean-Claude Guillebaud dans le journal Le Monde.
Il faut que l’on comprenne que nous existons ! Parfois, nous avons même l’impression de déranger quand nous abordons les problèmes de fond. Pourtant, comme l’a dit Marie-Noëlle Lienemann, nous représentons une très grande chance pour la France et l’Europe. Nous partageons 700 kilomètres de frontières avec le Brésil, un pays de 200 millions d’habitants. Au lieu d’être offensifs avec nos voisins, nous sommes refermés sur nous-mêmes. Résultat : nous continuons à vivre de subsides, de transferts sociaux et d’assistanat. Les peuples ne peuvent plus souffrir cela.
Il faut donc que cela change, et ce n’est pas aller à contre-courant de la norme que de nous donner la possibilité d’évoluer différemment.