Je salue à mon tour la qualité du travail du rapporteur ; je partage l'ensemble des propos de mes collègues : il s'agit en effet d'une mauvaise réponse à une bonne question. J'insiste sur la nécessité de repenser les modalités relatives à la loi sur la liberté de la presse, qui ne paraît plus adaptée aux nouvelles technologies.
Monsieur le président, vous avez parlé d'un équilibre. Certes, mais force est de constater qu'il devient aujourd'hui difficile de combattre les fake news. On a vu une dérive croissante au cours de ces dernières années, qui n'existe pas seulement en matière électorale. D'ailleurs, nous ne devons pas nous préoccuper que de la matière électorale. Il nous faudra réfléchir aux adaptations à apporter.
Des jurisprudences sont choquantes. On est obligé d'attaquer le directeur de la publication à titre principal et simplement à titre de complice l'auteur véritable de la diffamation. De même, la notion d'ordre public est parfois considérée de manière beaucoup trop souple par les juges : dès lors qu'une information est inexacte et est préjudiciable, l'auteur devrait être poursuivi. On peut aussi s'étonner de la faiblesse des peines retenues. Au regard des amendes encourues, qui se limitent parfois à l'euro symbolique, surtout quand il s'agit de personnalités publiques, les organes de presse, même les plus sérieux, prennent aujourd'hui délibérément le risque d'intenter un procès en diffamation. C'est encore plus vrai avec les nouveaux médias, l'auteur étant difficile à identifier.
En matière électorale, la jurisprudence est très aléatoire : au nom du caractère polémique normal d'une campagne électorale, certaines allégations ne sont pas condamnées pour motif de bonne foi ou de tolérance plus grande, alors qu'elles l'auraient été dans un autre contexte. Tous les avocats l'affirment, le droit de la presse est l'une des matières les plus difficiles. Certaines jurisprudences ne sanctionnent pas des allégations mensongères et outrageantes au motif qu'elles ont été reprises de bonne foi par un journaliste. Or cela est de nature à donner du crédit à l'information inexacte. Quoi qu'il en soit, on passe à côté de la nécessité de mieux cerner les fausses informations diffusées par les nouveaux médias : sur Facebook, on annonce aujourd'hui entre vingt morts et des milliers de morts dans des émeutes urbaines qui toucheraient absolument toute la France après la victoire de la Coupe du monde !
Toutes ces fausses informations ont une incidence électorale, certes pas directement sur l'élection présidentielle. Dans les primaires, elles ont eu une réelle incidence sur les scrutins. D'ailleurs, les primaires mériteraient d'être visées par un tel texte.
Tout en regrettant que l'on n'ait pas un débat approfondi sur ce sujet, je suivrai la position du rapporteur. Le Sénat devrait s'emparer de cette question. Il est choquant qu'un projet de loi touchant à des libertés publiques aussi fondamentales soit examiné en procédure accélérée : il n'y a aucune urgence, même au regard du calendrier électoral.
- Présidence de M. Philippe Bas, président -