Intervention de Alexandra Louis

Commission mixte paritaire — Réunion du 23 juillet 2018 à 18h00
Commission mixte paritaire sur le projet de loi d'orientation et de programmation renforçant la lutte contre les violences sexuelles et sexistes

Alexandra Louis, députée, rapporteure pour l'Assemblée nationale :

Nous partageons tous les objectifs de ce projet de loi, dont la discussion devant chacune de nos assemblées a démontré une réelle convergence sur le nécessaire renforcement de l'arsenal répressif en la matière. Toutefois, des divergences, d'ampleur variable, sont apparues entre l'Assemblée nationale et le Sénat sur les outils juridiques de cet arsenal, en particulier sur les règles d'interruption du délai de prescription des viols commis sur mineurs, sur la caractérisation de la contrainte et de la surprise dans le cas de faits commis sur des mineurs et sur la répression des comportements d'outrage sexiste.

Par ailleurs, le Sénat a souhaité ajouter à ce texte un volet relatif à la programmation et aux orientations de la politique de lutte contre les violences sexuelles et sexistes, fruit du travail approfondi mené par un groupe de travail de la commission des lois quelques mois auparavant.

Les échanges fructueux et de grande qualité que nous avons noués avec Mme le rapporteur du Sénat nous ont permis d'aplanir ces divergences et de vous proposer un compromis conciliant l'exigence de répression et de prévention des infractions sexuelles et sexistes et la nécessaire préservation des droits et libertés fondamentaux.

Je salue les concessions faites par Mme le rapporteur du Sénat sur plusieurs sujets qui étaient essentiels pour nous, à commencer par la suppression du volet relatif à la programmation, dont nous partageons sur le fond les orientations mais qui nous paraissait modifier la nature du projet de loi et davantage relever de la politique publique conduite en la matière. Ensuite, il nous semblait essentiel de maintenir le caractère contraventionnel de l'outrage sexiste, sans anticiper sur la réforme des peines de stage dont nous débattrons dans le cadre du projet de loi de programmation pour la justice. Sur cette infraction, nous nous sommes toutefois ralliés à la proposition du Sénat tendant à la création d'une circonstance aggravante lorsque les faits sont commis en raison de l'orientation sexuelle de la victime.

Je me félicite que nous soyons parvenues à une solution de compromis à l'article 2 - que certains d'entre vous trouveront peut-être timorée mais que nous estimons conforme à notre État de droit - sur la caractérisation de la contrainte ou de la surprise pour les faits d'agression sexuelle commis sur mineurs. Plutôt que d'instituer une présomption, qui, même simple, soulèverait certaines difficultés, notamment constitutionnelles, nous vous proposons de mieux définir les circonstances permettant au juge de retenir l'existence d'une contrainte ou d'une surprise, en prenant en compte la différence d'âge significative entre la victime mineure et l'auteur majeur des faits - ainsi que le souhaitait le Sénat - et « l'abus de la vulnérabilité de la victime ne disposant pas du discernement nécessaire » dans le cas spécifique des mineurs de moins de 15 ans - comme le proposait l'Assemblée nationale.

À l'inverse, d'importantes évolutions adoptées par le Sénat, à l'initiative de son rapporteur, de ses membres ou du Gouvernement, sont conservées, notamment la modification de la définition du délit de non dénonciation de mauvais traitements afin d'en faire un délit continu, la suppression de l'aggravation des peines en cas d'atteinte sexuelle avec acte de pénétration, les garanties apportées à la question subsidiaire systématique, la définition du délit et des circonstances aggravantes en cas d'administration d'une substance visant à altérer le discernement d'une victime d'agression sexuelle, l'aggravation des peines prévues pour toutes les agressions sexuelles lorsqu'elles sont commises sur une personne vulnérable en raison de sa situation économique et en cas d'agression sexuelle autre que le viol lorsque celle-ci a entraîné une incapacité totale de travail de plus de 8 jours, l'enrichissement des circonstances aggravantes des violences commises en présence d'un mineur, qui avaient été introduites à mon initiative, ou encore la création d'un délit de captation d'images impudiques.

Nous vous proposons de supprimer d'autres dispositions qui soulèvent des objections de principe - je pense notamment à l'introduction, par le Gouvernement, d'un nouveau mécanisme d'interruption de la prescription - ou qui posaient des difficultés juridiques - comme dans le cas de la redéfinition de l'obligation de signaler des mauvais traitements pour les professionnels.

En définitive, le texte que nous soumettons à votre accord est équilibré et le fruit d'une co-construction entre députés et sénateurs. Il retient les grandes orientations souhaitées par la majorité de l'Assemblée nationale et porte la marque des conclusions du groupe de travail piloté par le président Philippe Bas et Mme Mercier sur les infractions sexuelles sur mineurs, dont les travaux ont largement contribué à enrichir la discussion parlementaire, à l'Assemblée nationale comme au Sénat.

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