Intervention de Laurence Rossignol

Commission mixte paritaire — Réunion du 23 juillet 2018 à 18h00
Commission mixte paritaire sur le projet de loi d'orientation et de programmation renforçant la lutte contre les violences sexuelles et sexistes

Photo de Laurence RossignolLaurence Rossignol, sénatrice :

Je ne suis pas surprise que l'Assemblée nationale et le Sénat aient réussi à se mettre d'accord sur ce texte puisque nos deux assemblées ne voulaient pas créer une nouvelle incrimination criminelle, à savoir le crime de violence sexuelle sur enfant. La majorité des deux assemblées a préféré introduire des dispositions interprétatives dans le code pénal : c'est fort dommage. Après que la commission des lois a supprimé la disposition du projet de loi visant à créer une circonstance aggravante pour le délit d'atteinte sexuelle, en cas de pénétration, et c'était une bonne chose car cette disposition risquait d'aboutir à une correctionnalisation des viols sur mineurs, il ne reste que l'allongement de la durée de prescription, que nous approuvons tous, mais qui était attendue depuis longtemps. L'article 2 ne propose que des dispositions interprétatives : c'est une occasion manquée de protéger les enfants contre les prédateurs. Enfin, le texte prévoit la contravention d'outrage sexiste dont la portée pédagogique est sans doute souhaitable mais dont l'effet restera à évaluer.

L'accord entre nos deux assemblées était donc possible dès lors qu'il se faisait sur le refus de la création d'une nouvelle infraction criminelle.

Une autre mesure disparaît qui me semble également un très mauvais signal : l'obligation de signalement des médecins. À l'issue des débats parlementaires, c'était une mesure voulue par les sénateurs de notre groupe mais aussi par le président de la commission des affaires sociales, M. Alain Milon, médecin de formation. Je rappelle que les médecins sont auteurs de moins de 5 % des signalements de mauvais traitements sur enfant. Or, les médecins voient bien davantage que ce faible pourcentage d'enfants maltraités. Malgré plusieurs mesures législatives déjà prises pour leur rappeler cette obligation inscrite dans le code pénal et en dépit du fait qu'ils ne peuvent en aucun cas être poursuivis pour diffamation, ils ne signalent toujours pas. Le Gouvernement et la commission mixte paritaire se privent d'un outil réellement nécessaire pour lutter contre les violences faites aux enfants.

Le texte que va voter la commission mixte paritaire sera tout aussi décevant que celui présenté par le Gouvernement, puis voté par l'Assemblée nationale et le Sénat. Il y a peu de choses positives à en dire mis à part l'allongement des délais de prescription.

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