Intervention de Christian Charpy

Commission des affaires sociales — Réunion du 18 juillet 2018 à 9h35
Projet de loi constitutionnelle pour une démocratie plus représentative responsable et efficace — Audition de M. Christian Charpy secrétaire général de la commission des comptes de la sécurité sociale

Christian Charpy, secrétaire général de la commission des comptes de la sécurité sociale :

Je précise en introduction que mes propos n'engagent pas la Cour des comptes. J'ai été chargé par le Gouvernement, avec Julien Dubertret, d'un rapport sur les relations financières entre l'État et la sécurité sociale, au-delà des seuls sujets de gouvernance que traite la révision constitutionnelle. Aujourd'hui, le financement de la sécurité sociale est extrêmement compliqué, avec de nombreuses taxes affectées, des relations croisées avec l'État, la difficile question de la compensation des allégements de charges sociales et les divergences de soldes entre l'État et la sécurité sociale sur une même période de programmation.

Trois sujets de gouvernance interfèrent fortement avec la révision constitutionnelle : le champ des lois financières, la structure de la loi de financement de la sécurité sociale et les modalités de son examen.

Au fond, nous avons trois lois de finances : la loi de programmation des finances publiques, toutes administrations publiques confondues, en comptabilité nationale, à laquelle sont associées une loi de programmation budgétaire triennale pour l'État, la loi de financement de la sécurité sociale et la loi de finances, qui ne couvrent pas la totalité du spectre des administrations publiques. Cela soulève la question d'une éventuelle loi de financement des collectivités territoriales, ou encore celle de la prise en compte des régimes complémentaires obligatoires et de l'assurance chômage, qui représentent une part importante de la protection sociale.

Faut-il fusionner les lois financières ? Je n'y suis pas favorable, tout comme les commissions des affaires sociales de l'Assemblée nationale et du Sénat. Techniquement, ce serait trop compliqué, les comptabilités étant différentes. Politiquement, ce serait problématique.

Il nous semble utile d'améliorer la coordination entre les deux lois financières, notamment en termes de préparation et de discussions, et surtout de combler quelques lacunes. La loi de finances pourrait comporter, à défaut d'une loi de financement des collectivités territoriales, un article approuvant la balance des comptes, en prévision comme en exécution. Le champ de la loi de financement de la sécurité sociale pourrait être étendu par la présentation d'un article liminaire recoupant l'ensemble du champ des administrations de sécurité sociale, soit environ cent milliards d'euros d'écart avec le périmètre de cette loi, afin de disposer d'une image globale sans conséquences juridiques très lourdes, ou bien en incluant, à titre principal, les régimes complémentaires obligatoires et l'assurance chômage. La seconde solution a ma préférence. L'assurance chômage et les régimes complémentaires obligatoires sont d'ailleurs entrés subrepticement dans le champ de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2018 par le biais des caisses de charges sociales consécutives à la suppression programmée du crédit d'impôt compétitivité emploi (CICE)... Demain, leur financement par la CSG paraît une évidence.

Faut-il aller plus loin ? L'Assemblée nationale s'est interrogée sur le bien-fondé d'une loi de financement de la protection sociale. Il ne faut pas négliger l'aspect symbolique de la sécurité sociale, un bien commun issu des ordonnances Laroque. Par ailleurs, le champ de la protection sociale est plus large que celui des organismes de sécurité sociale au sens de la comptabilité nationale, puisqu'il inclut les mutuelles non obligatoires, des dépenses de solidarité prises en charge par les départements. Il vaut mieux s'en tenir à un champ déjà important, ajouter les régimes de retraite complémentaire obligatoires et l'assurance chômage. J'avoue que j'y ferais volontiers entrer les hôpitaux, en faisant approuver, en prévisions et en exécution, une balance des établissements publics de santé. C'est tout de même un angle mort des lois de financement.

J'en viens à la structure des lois financières, qui comporte quatre parties : une loi de règlement, une loi rectificative, une loi initiale prévisionnelle, une loi de programmation pluriannuelle. S'il n'est pas utile de distinguer la loi de financement de la sécurité sociale rectificative de la loi initiale, nous gagnerions à autonomiser la loi de règlement, qui fait l'objet d'un débat succinct au regard de son importance. Le printemps serait ainsi consacré à l'évaluation de l'exécution des lois financières. Une loi organique suffirait à modifier ce point.

Pour ce qui concerne la discussion des lois financières, les calendriers sont assez différents et les modalités de préparation me semblent insuffisamment interministérielles et coordonnées. Les deux lois initiales gagneraient à faire l'objet d'une préparation mieux coordonnée entre les deux ministères et pourraient être présentées simultanément en conseil des ministres, des dispositions liées aux mêmes sujets se retrouvant dans l'une et l'autre : augmentation de la CSG, CICE...

Pour organiser une discussion commune de la partie recettes des deux lois financières, des dispositions organiques suffiraient, le Conseil d'État le confirme, sauf à vouloir fusionner les deux textes. On peut aller plus loin et le prévoir dans la Constitution, mais le texte organique est essentiel. Le calendrier de la discussion parlementaire est une vraie difficulté, que la réduction du délai devrait permettre de résoudre.

En résumé, la révision constitutionnelle gagnerait à aller dans le sens d'une extension raisonnée du champ des lois de financement, en s'assurant toutefois de combiner l'autonomie des partenaires sociaux, même si leur présence a beaucoup baissé, et le vote au Parlement. Une redéfinition de la structure des lois financières permettrait d'autonomiser les lois de règlement et d'organiser une discussion commune. Enfin, une discussion générale commune portant sur la partie recettes des deux lois financières serait un gain en termes de lisibilité de nos finances publiques. Cela me paraît plus réaliste que de fusionner les deux textes.

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