Tout d'abord, monsieur Chasseing, je comprends la prudence et la réserve naturelle qu'adoptent certains sur la notion d'excédent des comptes sociaux, mais il faut observer la trajectoire, qui est celle d'un rétablissement significatif. Est-elle fragile compte tenu des évolutions des recettes liées à la conjoncture ? C'est un point à surveiller. La commission des comptes, dont vous avez auditionné le secrétaire général, émet toujours des hypothèses de sensibilité.
S'agissant du risque dépendance évoqué tant par M. Daudigny que par Mme Rossignol, ce débat a déjà plongé les analystes et les experts doctrinaux dans des abîmes de perplexité en 2004, lorsque le Président de la République d'alors avait annoncé la création d'un « cinquième risque de protection sociale ». Ce « cinquième risque » existait déjà plus ou moins avec les complémentaires santé et le chômage. On a donc eu du mal, à l'époque, à voir ce à quoi cela correspondait. On a créé une entité sui generis, la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA), avec au départ un financement de l'État, des financements aux collectivités territoriales et un très large financement par la branche maladie, combiné avec une gouvernance spécifique respectueuse des compétences et des responsabilités de chacun. On l'a intégré de manière imparfaite en loi de financement de la sécurité sociale.
Ce débat est intervenu en 2005. Il ne s'agissait effectivement pas de sécurité sociale : compte tenu de l'habilitation constitutionnelle, dès lors qu'on a une intervention de collectivités territoriales ou de l'État, on est bien dans le champ de la protection sociale obligatoire. La loi de financement de la sécurité sociale ne peut donc le prendre en charge. La seule chose qu'elle puisse faire, c'est avoir deux sous-objectifs de l'ONDAM correspondant aux dépenses affectées aux personnes âgées ou aux personnes handicapées, soumis au vote, pour financer la CNSA.
Dans le texte organique, on parle d'organisme financé par l'ONDAM ou par les régimes obligatoires de base de sécurité sociale. Si demain on crée une cinquième branche de sécurité sociale, il faudra revoir cette gouvernance. Dans quelles conditions ? Conservera-t-on une intervention des collectivités territoriales ? Je ne sais pas. Ce débat mérite d'être conduit, mais si vous voulez ménager l'avenir et avoir une capacité à contrôler ceci tant en dépenses qu'en recettes, il faut vraisemblablement procéder à l'extension du champ évoqué - ou vous ne traiterez que la partie sécurité sociale.
Quant à l'examen du PLF et du PLFSS et à la volonté de Bercy évoquée par Mme Rossignol et M. Savary, je n'ai pas le sentiment que cette proposition ait été faite. La proposition est plutôt d'intégrer les lois de financement le plus possible dans les lois de finances pour conserver un outil que le ministère des finances maîtrise et une approche limitative.
Or il y a de vraies compétences au ministère des solidarités et de la santé. On fait les choses de manière complètement intégrée, on revoit le code, on pilote la politique en assignant des objectifs de qualité aux organismes, etc., toutes choses que Bercy ne fait pas, sauf la direction générale des finances publiques. Il vaudrait donc mieux organiser un débat, y compris avec les partenaires sociaux, compte tenu des équilibres politiques qu'on peut souhaiter mettre en place. Cela me semble plus sain.
Certains fonds de stabilisation, pour répondre à une partie de la question soulevée par M. Chasseing, ont été créés pour financer les médicaments innovants. La question est de savoir si on crée un grand ensemble avec des sections. Un débat devant le Parlement a eu lieu sous la précédente législature. Cela permet de piloter les choses de manière infra-annuelle.
Si on décide de créer une réserve pluriannuelle, la question de l'opportunité se pose, ainsi que celle du pilotage de l'ensemble des finances publiques. Prévoit-on une réserve, alors que les autres sphères sont dégradées ? Il faut avoir un débat relativement apaisé sur le champ de responsabilité de chacun et les recettes propres dont il dispose. Cela, ça me semble une condition sine qua non.
Mon sentiment est que la « tuyauterie » peut plonger l'ensemble des parlementaires et de leurs collaborateurs dans des abîmes de perplexité, mais elle est assez incontournable. La question est de savoir si l'on crée des règles de gouvernance générale qui permettent de limiter ces effets et de centrer les débats sur de vrais choix politiques. Il me semble qu'on est en capacité de le faire d'une manière renforcée dans les mois à venir.
Enfin, s'agissant du prélèvement sur recettes, l'article 6 de la LOLF permet, avant le débat sur les recettes et les dépenses, d'affecter une partie des recettes à un tiers. Les recettes de la TVA doivent notamment financer l'Union européenne. Ce sont des recettes propres. On réalise donc un prélèvement sur recettes. Ces recettes existent donc sans exister. Les montants sont considérables.
Une partie des dotations aux collectivités territoriales sont financées de cette manière pour éviter qu'elles soient dans l'article d'équilibre et qu'elles correspondent à une somme de dépenses qui n'existeraient pas au regard du budget général, et sur lesquelles on n'aurait pas la main.
Le prélèvement sur recettes est une manière d'éviter de faux débats dans les hémicycles. Bien que la LOLF vous reconnaisse un droit d'amendement, vous ne pouvez utiliser cet argent pour l'affecter à telle mission ou tel programme. Il en va de même pour les dépenses d'intervention. Le prélèvement sur recettes permet d'échapper à ce débat et se justifierait pour tout ce qui concerne les questions de compensation. Ce débat est intervenu en 2005.
Force est de constater que le Parlement a décidé de ne pas avoir ce débat en rendant la sécurité sociale ou la protection sociale non éligible. On peut toujours le faire figurer dans le texte organique et ne pas le mettre en oeuvre, mais le choix de ne pas retenir cette option était selon moi très conscient.