Intervention de Jean-Marc Bailleul

Commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale — Réunion du 24 juillet 2018 à 14h30
Audition de la fédération cfdt organisation professionnelle de la police nationale

Jean-Marc Bailleul, secrétaire général du Syndicat des cadres de la sécurité intérieure-Confédération française démocratique du travail (SCSI-CFDT) :

La CFDT est une instance, au sein du ministère de l'intérieur, très peu représentée jusqu'à ce jour.

M. Jacob est le secrétaire général de la section Gardiens de la paix, et nous représentons des officiers et des commissaires de police. En effet, selon nous, les sujets du ministère doivent s'extraire d'une analyse purement catégorielle.

Cette affaire montre qu'il est temps que le ministère de l'intérieur se réforme : il se passe des bizarreries que l'on a pu, que l'on a dû, laisser faire.

Nos collègues ont été profondément touchés par cette affaire et par l'image qu'elle donne à l'extérieur de l'institution policière. Deux commissaires et un officier ont fait l'objet d'une suspension pour avoir extrait, d'après ce que l'on sait, une vidéo qui ne fait que confirmer celle filmée par un citoyen le 1er mai lors de la manifestation. Il ne faudrait donc pas déplacer le problème de fond sur cette seule extraction : elle constitue, certes, une faute, mais c'est un sujet accessoire.

Nous avons des questions, qui reflètent la frustration de nos collègues de tous grades et de tous corps. Alors que l'on a un service de professionnels recrutés et sélectionnés, composé d'officiers de gendarmerie et de police et de gardiens de la paix et de gendarmes - le GSPR -, pourquoi prendre un conseiller de sécurité opérationnel sur le terrain ? Il ne doit pas y avoir de confusion des genres ; au moment où l'on envisage, dans le cadre de CAP22, de recruter des contractuels sur des postes de sécurité, cela pose des questions de fond sur le respect des règles déontologiques, principe de base de l'ensemble des policiers, qui doivent s'y soumettre. C'est d'ailleurs le fondement de 70 % des sanctions prononcées au sein de la fonction publique.

Si c'était un gardien de la paix qui avait commis ces violences illégitimes en dehors du cadre légal, une procédure aurait bien entendu été immédiatement engagée : évidemment d'un point de vue administratif, et sûrement pénal. Il y a donc deux poids et deux mesures ; pourquoi n'y a-t-il pas eu, pour M. Benalla, saisine immédiate des instances juridictionnelles indépendantes ?

Comment a-t-on pu doter cet agent de sécurité privée, occupant certes un poste prestigieux à l'Élysée, d'un véhicule équipé « police », tout neuf, alors que les fonctionnaires de police circulent au quotidien dans des voitures de plus de 200 000 kilomètres et en mauvais état ?

Pourquoi M. Benalla a-t-il été doté d'un brassard de police, qui est le symbole d'une fonction que l'on doit respecter et qui nous engage ? Quand on intervient sur la voie publique avec ce brassard, c'est la police que l'on voit et non M. Benalla. Cela a donné une image négative de la police nationale.

Comment a-t-on pu nommer M. Benalla, membre de la réserve opérationnelle de la gendarmerie, ce qui est tout à son honneur - nous prônons d'ailleurs la création d'une réserve de ce type dans la police nationale -, mais au grade de lieutenant-colonel, avec, par-dessus le marché, la qualité d'expert ? Même honorifique, ce n'est pas insignifiant. De quoi peut-on être expert à vingt-six ans, dans le domaine de la sécurité présidentielle ? Il faut plusieurs années pour acquérir de l'expérience et pour pouvoir être sélectionné dans les services de la protection ou de la sécurité du Président de la République !

Cela nous blesse d'autant plus dans le contexte actuel où l'on interdit aux commandants divisionnaires de porter ces galons, parce qu'on nous en estime indignes. Cela crée chez les officiers de police un sentiment d'indignation.

Pourquoi, alors que l'on a 250 000 policiers et gendarmes - nombre élevé par rapport à la population, comparativement aux autres pays européens -, recruter des agents de sécurité privée pour assurer la sécurité du Président de la République ? A-t-on un problème de confiance ? Nous demandons des réponses précises.

Quant à la question de la réserve citoyenne, nous demandons que la liste de ses membres soit rendue publique tout comme celle des spécialistes de la réserve opérationnelle. Je pense que l'on a suffisamment d'experts auprès des tribunaux et dans les forces de police pour ne pas aller en chercher ailleurs qu'il faut rémunérer sans plus-value évidente. Il y a une opacité sur cette question depuis plusieurs années ; nous avons saisi la Commission d'accès aux documents administratifs (CADA), la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP), et le ministre de l'intérieur, et la réponse a toujours été négative.

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