Madame la présidente, mes chers collègues, en 2012, un rapport de notre commission, sous la plume de Brigitte Gonthier-Maurin, faisait déjà le constat d'un « malaise enseignant » et d'une dégradation des conditions de travail des enseignants. Il préconisait également la remise à plat de leur recrutement et de leur formation. Or, depuis 2012, de nombreux chantiers se sont succédé dans le domaine éducatif : réforme du recrutement et de la formation initiale dans le cadre des écoles supérieures du professorat et de l'éducation (ÉSPÉ), révision du statut des enseignants du second degré, réformes pédagogiques du collège et des programmes, évolutions en matière salariale, d'évaluation et de progression de carrière dans le cadre du protocole « parcours professionnels, carrières et rémunérations » (PPCR).
C'est dans ce contexte que la commission nous a chargés de dresser un tableau de la condition des professeurs. Nous avons abordé cette mission avec bienveillance, à la fois comme sénateurs et anciens enseignants. Nous aimons ce métier, comme de nombreux professeurs que nous avons rencontrés. Notre constat se veut lucide : il rejette tout dénigrement et évince tout propos larmoyant. Le métier de professeur s'apprend en permanence, ce qui pose le problème de la formation initiale et continue.
Il faut avant tout penser aux nouvelles générations de professeurs et à ceux qui s'apprêtent à débuter dans ce métier. Dans quelques années, les nouveaux professeurs seront nés au début du XXIe siècle. Contrairement à notre génération, les jeunes enseignants n'entrent pas dans une carrière, mais apprennent un métier et gardent leurs aspirations de jeunes du XXIe siècle, alors que l'éducation nationale leur propose un cadre hérité de la seconde moitié du XXe siècle. Un tel décalage s'avère problématique.
À l'issue de plus de six mois de travaux, comprenant de nombreuses auditions au Sénat et quatre déplacements en académie, qui nous ont permis d'entendre une centaine de personnes, nous avons préparé quinze recommandations dont nous ne vous présentons aujourd'hui que les plus emblématiques. Certaines de ces recommandations sont consensuelles et sont attendues par les communautés éducatives. D'autres sont peut-être plus disruptives et nous souhaitons les mettre au débat pour alimenter notre réflexion collective.
Nous avons conscience que restaurer la confiance du pays envers son école ne pourra se faire sans l'adhésion des professeurs. Or, bien des inquiétudes minent une profession qui a la conviction, à tort ou à raison, que les réformes successives ont été faites contre elle ou a minima sans elle et qu'elles se sont traduites par une dégradation de ses conditions d'exercice. Pour autant, les professeurs et la société française tendent à auréoler l'école du passé. C'est pourquoi la rénovation de l'école ne pourra se faire sans ses professeurs.
Depuis la Troisième République, les meilleurs étudiants d'une génération devenaient professeurs. Telle était la tradition française. Renouer avec l'attractivité implique d'inciter les meilleurs de nos étudiants à entrer dans la carrière. Or, notre rapport identifie l'entrée dans le métier comme le maillon faible du dispositif actuel.