Nous avons fait deux constats alarmants à ce sujet. Année après année, de nombreux postes demeurent vacants à l'issue des concours. Les difficultés de recrutement se concentrent, pour le premier degré, dans les académies les moins attractives et, pour le second degré, dans certaines disciplines : lettres, mathématiques, allemand et anglais. Par ailleurs, certains territoires, relevant de l'éducation prioritaire mais aussi des zones rurales isolées, connaissent de grandes difficultés pour attirer et conserver leurs professeurs. La promesse républicaine est mise à mal par le risque d'une « désertification enseignante » analogue à celle des services publics ou médicaux sur nos territoires.
En matière de formation initiale, nous avons constaté que le modèle conçu en 2013 n'a pas su s'imposer. Alors que le master métiers de l'enseignement, de l'éducation et de la formation (MEEF) était conçu comme le parcours de formation standard, il ne concerne qu'un peu plus de la moitié des lauréats dans le premier degré et moins de la moitié dans le second. La place du concours - en fin de master 1 (M1) - est particulièrement critiquée : elle a pour conséquence de vider de son caractère professionnalisant l'année de M1 et de surcharger l'année de M2, qui concentre tout la fois la responsabilité d'une classe à mi-temps, la scolarité au sein de l'ÉSPÉ et la rédaction d'un mémoire. Enfin, le jugement porté, tant par les étudiants que par les responsables académiques, sur la qualité de la formation est sévère ; cela est particulièrement vrai dans le premier degré, les jeunes professeurs ne sont pas suffisamment préparés à la polyvalence qu'ils doivent assurer.
Les premières années d'entrée dans le métier sont cruciales. Or nous avons constaté que, outre qu'ils sont défavorisés par les règles d'affectation et les moindres bénéficiaires des évolutions salariales, les professeurs débutants bénéficient d'un accueil et d'un accompagnement dont la réalité et la qualité sont très variables et qui rend difficile leur intégration au sein de leur établissement.
C'est pourquoi nous faisons les préconisations suivantes : développer, d'abord, une politique ambitieuse de pré-recrutement dès la première année de licence et prévoir des dispositifs de découverte et de préparation à l'enseignement dans les parcours universitaires. Nous avons rencontré des professeurs qui n'avaient jamais vu de classe avant d'entrer dans le métier et ont eu, après coup, le sentiment de s'être trompés. Revoir ensuite la place et le contenu des concours - avec une admissibilité en L3 et une admission en M2 dans le premier degré, et un concours en M2 pour le second degré - et, en conséquence, la formation dispensée en ÉSPÉ, en y renforçant la place et les prérogatives de l'éducation nationale. Nous proposons donc de distinguer deux concours différents, sans pour autant remettre en cause le principe de la masterisation. Prévoir une première affectation unique dans le second degré, par un calibrage académique des concours de recrutement. Prolonger, pendant les trois premières années d'exercice, la formation initiale par un accompagnement personnalisé, et introduire un rendez-vous de carrière la troisième année. Une affectation permettant d'être titularisé dans une même académie que celle de leur stage permettrait enfin d'assurer une continuité attendue par les jeunes professeurs.