Intervention de Jacqueline Eustache-Brinio

Réunion du 26 juillet 2018 à 15h00
Lutte contre les rodéos motorisés — Adoption définitive en procédure accélérée d'une proposition de loi dans le texte de la commission

Photo de Jacqueline Eustache-BrinioJacqueline Eustache-Brinio :

Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le président de la commission des lois, chers collègues, nous sommes saisis aujourd’hui d’une proposition de loi visant à renforcer la lutte contre les rodéos motorisés, qui a été déposée par M. Richard Ferrand et plusieurs députés en mai dernier et adoptée par l’Assemblée nationale en première lecture le 4 juillet dernier.

Une proposition de loi comportant des dispositions quasiment identiques avait été déposée parallèlement au Sénat par notre collègue Vincent Delahaye et des sénateurs issus de plusieurs groupes politiques de notre assemblée, ce qui est symbolique du large consensus existant sur cette question.

Je ne doute d’ailleurs pas que nous réussirons aujourd’hui, comme cela a été le cas en commission la semaine dernière, à trouver un accord sur cette problématique, qui constitue un enjeu important à la fois d’ordre public et de qualité de vie pour certains de nos concitoyens.

Les rodéos motorisés constituent en effet, depuis quelques années, un véritable fléau dans certains quartiers. Outre la nuisance sonore importante qu’ils génèrent pour les riverains, les rodéos constituent l’une des formes les plus nuisibles et les plus dangereuses de la délinquance routière. Plusieurs faits dramatiques l’ont malheureusement démontré. En cet instant, j’ai une pensée pour une petite fille prénommée Élisa.

Le phénomène n’est pas isolé. Il connaît même une progression inquiétante depuis quelques années. Alors que les rodéos se pratiquaient à l’origine surtout dans les zones urbaines, le phénomène s’étend de plus en plus aux périphéries des villes, ainsi qu’aux zones rurales, pour l’heure dans une moindre mesure.

Selon les données qui m’ont été communiquées, 8 700 rodéos ont été constatés par les forces de police sur le territoire national au cours de l’année 2017. En zone gendarmerie, 6 614 interventions pour des rodéos motorisés ont été réalisées en 2017, contre 5 335 en 2016, soit une augmentation de près de 24 % en un an !

Pour lutter contre ce phénomène en pleine expansion, notre arsenal législatif se révèle, dans la pratique, bien pauvre. Il serait erroné de dire que rien n’existe, mais les outils dont nous disposons actuellement sont soit difficiles à mettre en œuvre, soit insuffisamment dissuasifs.

Il est ainsi possible de retenir à l’encontre des auteurs de rodéos la mise en danger de la vie d’autrui. Ce délit, qui est puni d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende, demeure toutefois extrêmement malaisé à mettre en œuvre dans la pratique.

Il est difficile à caractériser pour les forces de l’ordre, qui peinent à prouver l’existence d’un risque réel et immédiat pour la sécurité d’autrui. Un juge reconnaîtrait-il l’existence d’un risque qualifié pour autrui s’agissant de runs organisés de nuit, sur un parking, alors qu’aucun piéton ne circulait sur la voie publique ? C’est peu probable. Or de telles pratiques n’en sont pas moins dangereuses et source d’importantes nuisances.

Les auteurs des rodéos sont donc, dans la majeure partie des cas, punis par de simples contraventions, par exemple pour absence de casque ou circulation à vitesse excessive. Mais ces sanctions sont peu dissuasives et ne permettent pas de sanctionner les comportements à la hauteur du risque qu’ils engendrent.

Ces raisons ont conduit plusieurs de nos collègues députés et sénateurs à déposer, au cours des dernières années, des propositions de loi visant à renforcer les outils juridiques de lutte contre les rodéos. Aucune n’a toutefois abouti à ce jour, malgré les fortes attentes des élus locaux, en particulier des maires, qui sont, chaque jour, confrontés à ces comportements très dangereux.

Dans la continuité de ces initiatives, la proposition de loi dont nous sommes saisis vise à apporter une réponse spécifique et efficace à la problématique des rodéos motorisés.

Le dispositif prévu s’articule, comme vous l’avez rappelé madame la ministre, en trois volets.

En premier lieu, la proposition de loi crée un délit spécifique de participation aux rodéos motorisés. Ce délit serait sanctionné d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende, peines pouvant être portées à cinq ans d’emprisonnement et 75 000 euros d’amende, en cas de cumul de circonstances aggravantes.

La création d’un délit autonome présente un intérêt réel : cela permettra en effet de réprimer de façon expresse la participation aux rodéos, tout en prévoyant des peines très dissuasives.

Le fait de réprimer les rodéos en matière correctionnelle permettra en outre aux forces de l’ordre de bénéficier de nouveaux outils d’enquête et de placer les individus interpellés en garde à vue.

En deuxième lieu, le texte vise à mieux réprimer l’organisation et la promotion des rodéos motorisés – les réseaux sociaux jouent un rôle en la matière –, ainsi que l’incitation directe à y participer, qui seraient punies de deux ans d’emprisonnement et de 30 000 euros d’amende. Il s’agit de prévenir l’organisation des rodéos motorisés.

En dernier lieu, plusieurs peines complémentaires seraient encourues par les auteurs du délit de participation à un rodéo. Je souhaiterais souligner l’intérêt que présente, à cet égard, la confiscation obligatoire du véhicule, à laquelle le juge pourra certes déroger, mais uniquement par une décision motivée : il s’agit d’un véritable levier de la lutte contre la récidive.

Lors de l’examen de la proposition de loi en commission, le 18 juillet, un très large accord s’est dégagé entre les commissaires, tous groupes politiques confondus, sur la nécessité d’apporter une réponse rapide à ce fléau. Les délits prévus pour renforcer la répression à l’encontre des individus organisant des rodéos ou y participant paraissent facilement caractérisables, ce qui est une garantie de l’opérationnalité et de l’efficacité du dispositif.

Le seul débat qui s’est tenu sur ce texte a porté sur le niveau des peines encourues ; certains de mes collègues y reviendront peut-être. Il ne fait aucun doute que les peines prévues par la proposition de loi sont élevées. La gravité des faits et le danger représenté par les rodéos pour nos concitoyens sont toutefois apparus de nature à justifier pleinement l’application de peines lourdes, comme c’est d’ailleurs le cas pour d’autres infractions au code de la route.

Qui plus est, je rappelle qu’il reviendra au juge d’appliquer avec discernement, au cas par cas, ces dispositions législatives et d’adapter les peines aux circonstances de l’infraction.

C’est pourquoi la commission des lois, soucieuse de permettre une entrée en vigueur rapide de ces dispositions, a adopté la proposition de loi sans y apporter de modification.

Il serait toutefois naïf de croire que cette évolution législative, bien qu’indispensable, sera suffisante pour éradiquer le phénomène. Les forces de l’ordre rencontrent en effet des difficultés pour interpeller les individus, qui prennent généralement la fuite dans des conditions particulièrement dangereuses. Il m’a d’ailleurs été rapporté que les policiers et les gendarmes avaient jusqu’à présent pour consigne de ne pas poursuivre les individus en fuite, pour des raisons de sécurité.

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