Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le président de la commission des lois, madame la rapporteur, mes chers collègues, je vous offrirai, en ouverture de mon propos, un exemple qui n’est ni la plus grande de nos agglomérations ni une banlieue réputée difficile.
À Clermont-Ferrand, certains soirs, les amateurs de rodéos motorisés se réunissent dans plusieurs secteurs, notamment rue Louis-Blériot. Les véhicules circulent parfois à grande vitesse, faisant vrombir moteurs et sonorisations.
Face à de tels troubles à la tranquillité publique, mais surtout à de tels risques pour la sécurité de tous, la municipalité a mis en place plusieurs mesures ces dernières années : un radar fixe, des ralentisseurs, ou encore le bouclage de la rue certains soirs. Aucune de ces mesures n’a pourtant permis de faire cesser les rodéos de Clermont-Ferrand. En effet, particulièrement organisés et déterminés, les participants retirent leur plaque d’immatriculation, s’exilent temporairement et reviennent dès que possible.
Les runners le reconnaissent eux-mêmes : il existe un véritable sentiment d’impunité. Lorsqu’ils ne parviennent pas à s’échapper à temps, une simple contravention leur est remise par les forces de l’ordre.
Certes, l’article 223–1 du code pénal sanctionne déjà le fait d’exposer autrui à un risque immédiat de mort ou de blessures par la violation manifestement délibérée d’une obligation particulière de prudence ou de sécurité. Toutefois, comme l’a souligné Mme la rapporteur, la Cour de cassation interprète de manière très restrictive la mise en danger de la vie d’autrui. Nous avons donc besoin de définir un nouveau délit spécifique aux rodéos motorisés et assorti de peines suffisamment dissuasives pour mettre, enfin, un coup d’arrêt à cette pratique dangereuse.
Pour l’heure, faute de délit spécifique, nous n’avons pas de statistiques disponibles en la matière. La plupart des élus de zones urbaines et, désormais, de certaines zones rurales peuvent néanmoins témoigner de la nette augmentation de cette pratique. On sait par exemple – cela a déjà été rappelé dans le débat – que le nombre d’interventions dénombrées par la gendarmerie nationale a augmenté de près de 25 % entre 2016 et 2017.
Les moyens répressifs à la disposition des forces de l’ordre sont limités. Les radars fixes et la vidéosurveillance montrent leurs limites lorsque les participants retirent leurs plaques d’immatriculation ou neutralisent les radars. La plupart des runners prennent la fuite dès l’arrivée des policiers et des gendarmes, qui sont incités, pour la sécurité de chacun, à ne pas engager de course-poursuite : le drame de Villiers-le-Bel, qui a conduit en 2007 à la mort de deux adolescents et à de violentes émeutes, ne peut être oublié.
Pour toutes ces raisons, il nous faut donner aux forces de sécurité le cadre juridique qui leur permettra de lutter efficacement et durablement contre ces rodéos.
J’en viens au contenu de la proposition de loi qui nous est présentée aujourd’hui. Il est question de créer un nouveau chapitre au sein du titre III du livre II du code de la route, de manière à reconnaître le caractère spécifique de ces atteintes à la sécurité et à l’ordre public.
Des sanctions pénales – un an d’emprisonnement et 15 000 euros d’amende – sont prévues en cas de « comportements compromettant délibérément la sécurité ou la tranquillité des usagers de la route ». Ces sanctions seront majorées en cas de faits commis en réunion, de consommation d’alcool ou de stupéfiants et d’absence de permis de conduire valide. C’est là que réside l’intérêt majeur de cette proposition de loi : le caractère dissuasif des peines encourues, à la hauteur de la gravité des faits, permet d’espérer, enfin, une diminution de ces actes.
En complément des amendes et des peines d’emprisonnement, le texte prévoit la confiscation du véhicule ayant servi à commettre l’infraction. Si je m’inscris pleinement dans cette dynamique, je reste néanmoins sceptique quant à l’interdiction, portée à cinq ans, de conduire certains véhicules terrestres à moteur, y compris ceux dont la conduite ne nécessite pas de permis. Corrélée à la suspension de permis, cette sanction peut apparaître comme un frein pour des personnes mineures ou tout juste majeures, que l’on se doit d’insérer sur le marché du travail.
Toutefois, en accord avec mon groupe, je n’ai pas déposé d’amendement visant à corriger le texte sur ce point. Je considère en effet que cette proposition de loi doit entrer en vigueur le plus rapidement possible. Nous faisons d’ailleurs confiance aux juges pour décider au cas par cas de l’application de cette mesure.
Ce nouveau délit, facilement caractérisable, permet par ailleurs de réprimer les rodéos en matière correctionnelle. Comme l’a souligné Mme la rapporteur, il offre ainsi aux forces de l’ordre de nouveaux outils d’enquête, tels que la garde à vue. Ces outils sont essentiels pour renforcer la lutte contre les rodéos motorisés. Aujourd’hui limitée à la contravention et à la confiscation du véhicule, l’action des forces de sécurité pourra désormais être renforcée, sans que la situation les mette systématiquement en danger.
Dans le souci de prévenir, le plus en amont possible, l’organisation des rodéos motorisés, ce nouveau chapitre du code de la route traite également de l’incitation directe à la participation à un rodéo, de son organisation et de sa promotion.
Il est en effet véritablement question de rendez-vous donnés au public. Certains runners conseillent même aux pouvoirs publics d’installer des bancs, afin de mieux profiter du spectacle !
Je suis en accord à la fois avec le diagnostic et avec la réponse qu’apportent les auteurs de cette proposition de loi. Je partage également l’opinion de Mme la rapporteur : l’arsenal législatif ne pourra pas suffire.
Nous faisons face aujourd’hui à un phénomène grandissant, qui s’étend sur de nombreux territoires et pour lequel aucune solution n’a été trouvée par nos collectivités. Le sentiment d’impunité et d’invincibilité des participants est aujourd’hui bien trop fort. Pour s’y attaquer et permettre une application efficace de loi, il est nécessaire que les moyens mis à disposition des forces de l’ordre suivent, car rien ne remplacera la présence des policiers et des gendarmes sur le terrain. Notre action législative devra également être complétée par des initiatives locales.
Vous l’avez compris, mes chers collègues, notre groupe soutiendra l’adoption de cette proposition de loi, d’abord parce qu’elle répond à une attente forte des élus, qui se retrouvent aujourd’hui démunis face à l’ampleur du phénomène, mais aussi parce qu’elle fait l’objet d’un consensus sur la majorité des travées de l’Assemblée et du Sénat : il est particulièrement satisfaisant de voir émerger une telle disposition législative transpartisane !