Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le président de la commission des affaires sociales, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, si vous me le permettez, je reprendrai les premiers mots de mon intervention lors de la première discussion générale sur ce texte.
Le destin collectif de la France et les destins individuels des Français sont étroitement liés. Pour redonner du dynamisme à la France et aux Français, il faut investir massivement dans la formation et les compétences, pour être collectivement capables d’impulser les changements de l’économie de la connaissance plutôt que de les subir ; donner à chacun la liberté de choisir son avenir professionnel et la capacité de construire son parcours, pour créer ou saisir les différentes opportunités professionnelles qui se présentent ; protéger les plus vulnérables contre le manque ou l’obsolescence rapide des compétences et vaincre, ainsi, le chômage de masse.
Le texte initial du projet de loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel était bien pensé.
Lors de nos débats, 215 amendements ont été votés, la plupart ont modifié la philosophie même du texte.
Les sénateurs ont notamment voté des amendements introduisant les régions dans le copilotage du nouveau système d’organisation de l’apprentissage, prévoyant que les régions aient un regard sur les besoins des CFA de leurs territoires en décidant que, chaque année avant le 30 juin, l’ensemble des CFA, y compris ceux qui ne demandaient aucune aide, transmettrait à la région leurs documents comptables et financiers – quel paradoxe de parler de décentralisation quand on veut contrôler même ceux qui ne dépendent pas de nous ! –, modulant l’obligation d’emploi des travailleurs handicapés, supprimant le bonus-malus sur les cotisations employeur mis en place par le Gouvernement, rejetant l’amendement n° 750 du Gouvernement qui prévoit que, à compter de la promulgation de la présente loi, ce dernier demandera aux partenaires sociaux de négocier une nouvelle convention d’assurance chômage, afin de mieux lutter contre la précarité et d’inciter les demandeurs d’emploi au retour à l’emploi, sur la base d’un document de cadrage qui fera l’objet d’une concertation préalable.
Face à ce texte qui ne respectait plus les équilibres initiaux, la commission mixte paritaire réunie le lundi 16 juillet ne pouvait qu’échouer.
Nous nous retrouvons donc aujourd’hui pour examiner en nouvelle lecture le projet de loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel. Le nouveau texte étant similaire à celui qui a été proposé lors de nos premiers débats, il ne me paraît pas utile d’en redonner tous les points positifs, puisqu’il revient aux principes initiaux. En revanche, lors de son examen en commission des affaires sociales, a été votée une motion tendant à opposer la question préalable, choix cohérent, puisque la majorité du Sénat ne veut pas accepter la philosophie retrouvée de ce texte.
Malheureusement, de nombreux arguments tendant à vouloir faire croire que l’impossibilité de l’accord provenait du Gouvernement et de l’Assemblée nationale sont inappropriés. Je citerai deux exemples.
Le premier touche au texte : l’amendement de la discorde annoncé par le Président de la République devant le Congrès à Versailles le 9 juillet demande aux partenaires sociaux – organisations syndicales et patronales – de renégocier dès la rentrée les règles de l’assurance chômage, et donc, de facto, les règles d’indemnisation des demandeurs d’emploi. S’il est vrai que la forme manquait de délicatesse, le fond aurait dû être partagé par tous, notamment par ceux qui exigent moins de verticalité, ceux-là mêmes qui demandent à contrôler les centres de formation d’apprentis, les CFA.
Le second exemple est une utilisation politique de ce débat. Comment oser dire que le bicamérisme est en cause lorsque les deux chambres n’arrivent pas à se mettre d’accord ? Les lignes rouges étaient connues dès l’origine. Les franchir empêche un travail commun, mais ne remet pas en cause le bicamérisme.
Ce n’est pas parce que les idées du Sénat n’ont pas été retenues que l’on peut dire que le Gouvernement et l’Assemblée nationale sont illégitimes. Le bicamérisme doit rester l’art de la controverse et non celui d’un consensus mou qui conduit à des politiques fades et qui ne résolvent en rien l’état d’urgence dans lequel se trouve la France.
Deux philosophies s’affrontaient. Elles n’étaient pas compatibles, la controverse l’a montré. Il me paraît donc logique qu’en commission ait été votée une motion tendant à opposer la question préalable qui, si elle est votée ici, bloquera une nouvelle discussion. C’est pourquoi sur cette motion, je le précise dès à présent, nous nous abstiendrons.