Madame la présidente, madame la ministre, madame, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, nous sommes saisis en nouvelle lecture du projet de loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel.
À ce stade, le texte que vient de nous transmettre l’Assemblée nationale est quasi identique au texte sur lequel le Sénat a déjà livré son interprétation. Il fait suite à la commission mixte paritaire non conclusive qui s’est tenue seulement quelques heures après son vote au Sénat le soir du 16 juillet. C’était un signe avant-coureur de la conclusion que nous lui connaissons.
Je tiens toutefois à revenir sur les travaux conduits par le Sénat. Soulignons que soixante-dix heures d’auditions ont été menées par les rapporteurs ici présents. Cela nous a permis d’appréhender les attentes des professionnels du secteur, des régions, des partenaires sociaux et des différents organismes intéressés.
Madame la ministre, ces entretiens ont fait émerger des arbitrages pragmatiques dans le but d’assurer une bonne mise en œuvre de la réforme que vous portez.
D’ailleurs, le travail de la commission des affaires sociales a été construit en toute clarté avec vos services, en bonne intelligence, afin d’arriver à une proposition raisonnable, proposition qui sera soutenue lors de la séance publique ici même.
Ce texte était porteur de remarques utiles pour une application plus efficiente, tout en poursuivant l’esprit de votre projet. Malheureusement, la commission mixte paritaire n’est pas parvenue à un accord. Plusieurs facteurs expliquent cet échec qui incombe au Gouvernement et aux députés de la majorité.
D’abord, il me semble que le projet de loi initial souffrait d’imprécisions, pour ne pas dire de substance parfois. Reportons-nous à l’article 17 dont la rédaction a été totalement revue, à l’absence de contenu sur les volets égalité homme-femme et handicap, ou encore aux dispositions concernant le travail détaché dans un texte qui a été nourri par des amendements successifs en première lecture à l’Assemblée nationale.
La décision d’examiner ce texte en procédure accélérée prise par le Gouvernement sur une réforme majeure – pour mémoire : 66 articles dans le projet de loi initial, 126 à l’issue de la navette – a rendu d’autant plus difficile la convergence de nos deux chambres. C’est ainsi que de trop nombreux amendements gouvernementaux ont échappé, comme l’ont rappelé nos collègues, à toute étude d’impact, à l’avis du Conseil d’État et à la règle de l’entonnoir.
Enfin, pour parachever cela, j’insisterai sur l’amendement gouvernemental, qui a été déposé in extremis et sans égard pour notre Haute Assemblée. Il a fait l’objet de plusieurs rappels au règlement pour en obtenir le dépôt pendant la discussion générale le 10 juillet dernier.
Chez nous, comme ailleurs je pense, on dirait que vous avez confondu vitesse et précipitation. La sagesse et l’exigence du travail des sénateurs sont reconnues. Comme à l’habitude, nous avons amendé ce texte qui nous était adressé, afin d’en parfaire les contours, d’en assurer sa viabilité, et d’en permettre une mise en œuvre rapide, sans heurt et dans un souci d’optimisation.
Madame la ministre, notre exigence a été mal considérée, y compris par vous-même. Permettez-moi d’exprimer ma réserve face aux propos que vous avez tenus à l’occasion de la discussion générale de ce texte en nouvelle lecture à l’Assemblée nationale.
Vous avez déclaré concernant la commission mixte paritaire : « Je déplore cet échec, mais aurait-il pu en être autrement quand les alternatives qui vous ont été proposées auraient conduit au statu quo ? » Vous continuez sur l’assurance chômage : « [….] quant aux objectifs de réforme que nous poursuivons concernant l’assurance chômage, le Sénat l’a rejetée. Mais parce que le chômage ne peut pas et ne doit pas être le seul horizon de millions de Français, cette possibilité, vous l’avez saisie et résolument actée en commission en nouvelle lecture, ce que je salue. »
Votre première remarque est erronée : si nous avions voulu le statu quo, nous aurions détricoté votre projet de loi ; il n’en a rien été.
Votre seconde remarque est désobligeante à notre égard, et surtout malvenue lorsqu’on se rappelle les conditions dans lesquelles vous avez déposé l’amendement n° 750.
Peut-on imaginer que le chômage ne soit pas, pour nous élus des territoires, une préoccupation essentielle ? Bien évidemment, il ne peut s’agir d’un horizon pour quiconque, mais votre commentaire s’apparente à un procès d’intention par lequel vous sous-entendez que seul le Gouvernement saurait s’arroger la détresse induite du chômage et qu’il aurait seul et sans partage la connaissance de la situation et de la solution !