Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le président de la commission des affaires sociales, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, à l’instar des intervenants précédents, je veux exprimer une déception quant au résultat final.
J’ai le sentiment d’avoir vécu un examen de projet de loi bien atypique.
Le travail sénatorial s’est effectivement heurté à l’engagement de la procédure accélérée empêchant un examen approfondi, entrecoupé par le dépôt d’amendements gouvernementaux à tous les stades et s’accompagnant de délais très contraints ; au désintérêt des députés de la majorité, qui n’ont pas même discuté des dispositions adoptées par le Sénat lors de la réunion de la commission mixte paritaire, pour finalement les rejeter de manière expéditive en nouvelle lecture ; à la volonté du chef de l’État, supplantant d’ailleurs celle du Gouvernement, par son annonce devant le Congrès de Versailles d’une renégociation de la convention d’assurance chômage, concrétisée par le dépôt d’un amendement tardif au moment de l’examen du texte par le Sénat.
Mais je suis aussi habitée d’un sentiment d’absence de respect du débat démocratique, vis-à-vis de nous, parlementaires, mais également des partenaires sociaux.
Cette absence de respect est en germe dans le projet de loi, avec la recentralisation de l’assurance chômage, le Gouvernement imposant un document de cadrage aux partenaires sociaux et prévoyant, en cas d’échec de leurs négociations sur la question du bonus-malus, de reprendre la main par décret.
Mais elle s’exprime aussi avec l’amendement en question qui a remis en cause le travail du Gouvernement à l’origine du texte initial, le travail des députés, notre propre travail, et dont les motifs, avancés par vous-même, madame la ministre, et destinés à justifier la remise en cause de la convention d’assurance chômage, sont loin de constituer le motif d’intérêt général qui pourrait permettre la rupture de l’accord conventionnel. Nous contesterons donc la constitutionnalité de cette disposition.
Madame la ministre, vous ayant écoutée avec attention, je me permets de vous signaler qu’il ne faut pas inverser les choses… Le Sénat est plus que favorable aux échanges avec les partenaires sociaux ; tout dépend, simplement, du calendrier et de la méthode proposés, calendrier et méthode dont vous avez la responsabilité !
Sur le contenu final du projet de loi, et sans vouloir revenir en cet instant sur tous les points, je formulerai quelques remarques.
Les dispositions phares annoncées lors de la campagne présidentielle sont, avant tout, des mesures d’affichage non financées. Il en est ainsi de l’ouverture de l’assurance chômage aux démissionnaires, mais sous des conditions strictes – cette ouverture aurait pu, du reste, être inscrite comme la seizième démission légitime existante – et de l’encadrement encore plus strict des droits des indépendants. D’ailleurs, ceux-ci nous ont eux-mêmes affirmé, lors des auditions, se sentir humiliés par un tel dispositif, que, au passage, ils n’avaient pas demandé.
La remise en cause de la nature du régime, jusqu’alors clairement assurantiel et contributif, avec un basculement vers une fiscalité d’État est le signe d’un changement très profond de modèle social. Il est grave que le débat n’ait pas lieu dans le cadre de l’examen d’un projet de loi de finances, mais prenne appui sur ce projet de loi.
S’y ajoute l’imprécision entourant la révision des critères de l’offre raisonnable d’emploi, qui dépendra maintenant de la seule appréciation du conseiller référent de Pôle emploi, alors que nous avions prévu, au moins, un cadre pour les délais de révision.
Les nombreux apports du Sénat renforçant les droits et devoirs du demandeur d’emploi, notamment en matière de garanties procédurales, ont été supprimés.
Une incertitude complète demeure concernant les mesures envisagées par le Gouvernement pour restreindre l’usage des contrats courts, et nous savons que le dispositif du bonus-malus ne fonctionne pas, pis, qu’il pourrait tuer l’emploi.
En définitive, ce sont de nouvelles sources d’incertitude que nous voyons naître, alors que notre pays ne s’extrait toujours pas du chômage, et, surtout, nous avons l’impression d’une belle occasion manquée d’un travail partagé et construit dans un seul et même intérêt : notre économie, la France et sa capacité à rayonner en Europe et dans le monde.