L'Union européenne n'est pas un sujet pour les États-Unis. Hier, des accords étaient recherchés avec nous pour contrer les ambitions de certaines économies émergentes. Aujourd'hui, nous sommes perçus comme un adversaire des États-Unis au regard de nos zones de production et d'échanges économiques. La cohésion européenne est donc d'autant plus importante.
J'en viens maintenant à notre mission que le rapporteur général et moi-même avons réalisée à Berlin les 13 et 14 juin derniers. Nous étions cette fois accompagnés du rapporteur général Joël Giraud et de Marie-Christine Dalloz, membre du bureau de la commission des finances, Éric Woerth ayant eu un empêchement.
Ce déplacement était l'occasion de faire à la fois un tour d'horizon des sujets financiers, budgétaires et économiques de nos deux pays et de la zone euro, mais aussi de découvrir plus concrètement leur procédure budgétaire, afin de retenir d'éventuelles bonnes pratiques.
Nous avons ainsi rencontré : la présidente de la commission des finances du Bundestag ainsi que des parlementaires, représentatifs de tous les groupes et membres de la commission des finances ou de la commission du budget, car là-bas, deux commissions coexistent ; des hauts fonctionnaires du ministère fédéral des finances, respectivement en charge du droit fiscal international et de l'harmonisation fiscale au sein de l'Union européenne, de la politique financière et économique et de la politique budgétaire ; le représentant à Berlin de la Bundesbank.
Nous vous présenterons tout d'abord les éléments recueillis concernant la perception depuis l'Allemagne de la situation de l'économie mondiale et européenne, puis les avancées à attendre au niveau de la zone euro, notamment en termes de fiscalité. Enfin, nous vous donnerons des éléments sur la procédure budgétaire allemande et nous vous fournirons des enseignements que nous en avons tirés.
Cela ne vous étonnera pas, notre déplacement à Berlin nous a permis d'aborder assez largement la question de la situation économique mondiale. Les sujets européens ont également été au coeur de nos échanges avec nos interlocuteurs allemands, d'autant que notre déplacement a eu lieu quelques jours avant le sommet franco-allemand du 19 juin à Meseberg, au cours duquel une feuille de route franco-allemande a été établie.
Globalement, nos interlocuteurs n'ont pas montré de signes d'inquiétude trop prononcés sur la situation économique mondiale et sur les effets de la politique fiscale et commerciale américaine sur leur économie.
Il nous a notamment été expliqué que la réforme de la fiscalité des entreprises aux États-Unis n'avait pas une grande incidence pour l'économie allemande. En effet, le taux d'impôt sur les sociétés ne s'élève déjà qu'à 15 % en Allemagne, même si la taxation atteint 29 % si on cumule l'impôt sur les sociétés avec la taxe professionnelle. Ils restent donc compétitifs.
De même, dès lors que l'augmentation des droits de douane américains se concentre sur l'acier et l'aluminium, l'impact devrait être mineur pour l'Allemagne. Cela serait en revanche différent si cela devait aussi concerner le domaine automobile. La plupart de nos interlocuteurs restaient assez confiants malgré la politique commerciale agressive du Président Donald Trump.
Comme nous l'avions vu à Washington, la situation économique de certains pays suscite des inquiétudes, comme l'Argentine, la Turquie ou encore le Brésil, voire l'Italie et son niveau d'endettement élevé.
Si la dégradation de la situation économique de ces pays aurait un impact plutôt limité sur l'économie allemande, la crainte exprimée portait plutôt sur le risque de contagion et d'un déséquilibre plus global de l'économie mondiale.
Au niveau européen, même si un ralentissement économique est attendu, au regard de certains indicateurs de court terme moins favorables après un fort dynamisme, la situation économique globale ne leur semblait pas être trop préoccupante. Les allemands restent toutefois attentifs au dynamisme des dépenses et de la dette publique dans certains pays.
L'un des défis qui nous a été présentés concernait la stabilisation de la politique monétaire au niveau mondial, avec le risque d'une hausse des taux d'intérêt de long terme plus importante qu'attendu il y a six mois ou un an.
La situation financière de l'Allemagne est pour sa part particulièrement favorable, avec un solde budgétaire excédentaire qui conduit certains à parler d'une « cagnotte » et les pousse à demander davantage d'investissements publics. Selon nos interlocuteurs, cette position n'est toutefois pas unanime, certains appelant au contraire à la prudence : d'une part, ils considèrent que la bonne situation économique ne justifie pas d'investissements supplémentaires ; d'autre part, les perspectives démographiques devraient conduire à des charges supplémentaires, les budgets actuellement excédentaires permettant dès lors de s'y préparer.
Les profits des entreprises sont importants et certains considèrent qu'elles ne les redistribuent pas assez et que leurs investissements restent trop limités. Globalement, nos interlocuteurs ont souhaité que l'Allemagne « ne se repose pas sur ses lauriers ».