Notre diagnostic, sévère, s'inscrit dans le droit fil de celui qui a été fait par la mission d'information sur le redressement de la justice. Les vingt-cinq propositions que nous formulons ne seront sans doute pas toutes mises en oeuvre, mais elles permettent de donner une vision globale et pourront inspirer nos débats sur le projet de loi de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice que nous examinerons en octobre.
J'ai eu plaisir à travailler sur ce rapport avec François-Noël Buffet. Malgré un calendrier chargé, nous avons privilégié les déplacements sur le terrain.
La première série de propositions vise à remettre les juridictions au coeur du prononcé des peines. Nous avons identifié un problème de confusion dans les rôles du parquet, du juge correctionnel et du juge de l'application des peines. Il convient de distinguer le temps de la sanction et le temps de l'exécution, qui est aussi celui de la réinsertion.
Nous formulons ainsi huit propositions visant à remettre les juridictions de jugement au coeur du prononcé des peines. Cela suppose une bonne information des juridictions : la présidente du tribunal de grande instance de Valence a découvert à l'occasion de notre entretien avec les services pénitentiaires d'insertion et de probation qu'une personne avait été condamnée à trois ou quatre reprises à des travaux d'intérêt général non encore effectués. Je rappelle que le juge de l'application des peines ne peut proposer un aménagement de la peine qu'une fois que les voies de recours ont expiré et que le greffe du parquet dispose des informations concernant la situation matérielle et personne de l'intéressé.
Pour prononcer des peines adaptées, le juge correctionnel doit disposer en amont de rapports présentenciels de personnalité. Or les services d'insertion et de probation sont dans l'incapacité de les fournir.
Nous proposons également de développer la présence d'un juge de l'application des peines au sein des compositions collégiales des juridictions correctionnelles pour inciter au prononcé de l'aménagement de peine à l'audience.
Par ailleurs, nous avons constaté que la plupart des magistrats qui prononcent les peines ne visitent jamais la maison d'arrêt ou le centre de détention du ressort.
Les applicatifs numériques sont également défaillants. Nous avons ainsi constaté que les aménagements de peine ne figurent pas dans le casier judiciaire.
La deuxième série de propositions vise à simplifier l'architecture des peines. Il convient ainsi d'assouplir la distinction entre les différentes catégories de peines. Nous sommes convaincus de la nécessité de créer une peine autonome de probation visant à se substituer à la contrainte pénale, peu mise en oeuvre sur le terrain. Nous proposons enfin de fusionner les peines de stage, dont l'absence d'unification des régimes complique la tâche des magistrats.
La troisième série de propositions vise à favoriser une vision pragmatique de l'exécution des peines. Dans cette perspective, nous préconisons de faire des collectivités territoriales des partenaires de l'exécution des peines. Il s'agit d'une proposition innovante, mais qui nous semble de nature à permettre notamment le développement du travail d'intérêt général. De même, il faudra organiser régulièrement de vrais échanges entre les magistrats du parquet, les juges correctionnels et les juges de l'application de peines sur les stratégies à mettre en oeuvre.
La quatrième série de propositions vise à rendre crédible l'exécution des peines en milieu ouvert. Leur exécution doit être rapide et elle doit faire l'objet d'un suivi, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui. Il me semble donc nécessaire d'y associer les collectivités territoriales - qui devront également être associées à la conception des lieux de détention pour que les lieux de préparation à la sortie et les centres de semi-liberté soient implantés là où il y a du travail.
La cinquième série de propositions vise enfin à adapter les prises en charge en milieu carcéral. Il convient d'accompagner l'ensemble des sorties de détention afin d'éviter les récidives. Actuellement, cela semble quasiment inimaginable pour les courtes peines. Enfin, l'investissement dans l'immobilier pénitentiaire doit nous permettre de nous doter d'établissements adaptés aux différents besoins.
Telles sont nos vingt-cinq propositions, que nous aurons de nouveau l'occasion d'examiner lorsque nous aborderons le projet de loi de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice.
Cela dit, en toile de fond demeure la question principale, celle des moyens ; en effet, sans moyens adaptés, nous pouvons toujours rêver d'une stratégie pénitentiaire et pénale idéale...