Notre Constitution, dont on s'apprête à commémorer l'anniversaire, a changé fondamentalement nos institutions afin de remédier à l'instabilité chronique des régimes de la Troisième et de la Quatrième Républiques. Il s'agissait de créer des conditions de stabilité et d'efficacité. Avant 1958, le parlement était identifié à la démocratie, le parlement c'était la République. Pour s'assurer que la majorité sortie des urnes soutiendrait le gouvernement jusqu'à la fin de son mandat, la constitution de la Vème République a été truffée de mesures de parlementarisme rationnalisé. Vous avez mentionné l'article 40, qui est devenu un véritable couperet. En outre, la logique majoritaire a transformé la constitution de 1958 en mettant le Parlement au service de la politique du Président de la République. Jean Foyer, ancien Garde des sceaux, disait sous forme de boutade : « En France, il y a deux assemblées pour élaborer la loi, le Conseil d'État et le Conseil Constitutionnel ».
Il est vrai que le Conseil d'État est à la fois la juridiction administrative suprême et le conseil du Gouvernement. Et, depuis la révision de 2008, il est aussi le conseil du Parlement : une proposition de loi peut lui être transmise par le président d'une assemblée pour avis. Le Conseil d'État joue donc un rôle extrêmement important dans la préparation de la loi, notamment dans les précautions pré-contentieuses pour éviter que le Conseil constitutionnel ne sanctionne le texte. Et j'ajouterai que ses membres ont un sens très élevé de leur esprit de corps. Ils ont créé une sorte de réseau qui essaime dans les postes éminents. Je pense en particulier au Secrétaire général du Gouvernement qui est la main invisible de la République. Rattaché au Premier ministre, il veille au respect de l'État de droit et à nombre de questions comme la tenue du Journal officiel ou l'installation matérielle des ministres. Depuis Louis Joxe en 1943, il n'a connu que dix titulaires. C'est un lieu de pouvoir, occupé par un conseiller d'État.