Intervention de Philippe Dominati

Commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation — Réunion du 19 septembre 2018 à 9h05
Audition de Mm. Gilles Andréani président de la quatrième chambre de la cour des comptes éric morvan directeur général de la police nationale et christian rodriguez major général de la gendarmerie nationale pour suite à donner à l'enquête de la cour des comptes transmise en application de l'article 58-2° de la lolf sur les équipements de la police et de la gendarmerie acquisition et utilisation

Photo de Philippe DominatiPhilippe Dominati, rapporteur spécial de la mission Sécurités :

Je remercie la Cour des comptes pour sa présentation et pour son enquête qui apporte un éclairage intéressant et des analyses précises sur les moyens d'équipement de la police et de la gendarmerie nationales, même si certains éléments entrent dans un niveau de détail qui me semble ne pas relever directement du niveau législatif.

L'examen de l'évolution du budget consacré à l'équipement depuis 2012 est un travail important et extrêmement instructif, puisque ces dépenses - automobile, protection, armement, habillement - ne sont pas isolées dans les documents budgétaires, et ne recoupent pas la catégorie des dépenses de fonctionnement et d'investissement. Leur analyse par le Parlement à l'occasion de l'examen des différents projets de loi de finances est donc rendue particulièrement difficile, tout comme leur traçabilité. Selon l'enquête de la Cour des comptes, les dépenses en équipements et matériels des forces de l'ordre ont progressé de 181 % entre 2012 et 2017, soit un triplement. L'augmentation a été particulièrement marquée à partir de 2015 dans le cadre de plans successifs de renforcement - Plans de lutte antiterroriste 1 et 2, Plan migrants, Plan pour la sécurité publique - pour les quatre catégories d'achats retenues par l'enquête.

Cette forte augmentation, très positive, doit être replacée dans un contexte plus général. La part des dépenses de personnel dans l'ensemble des dépenses atteint 87,03 % pour les deux forces en 2017. Certes, ce taux a diminué de près de 0,5 point sur la période retenue par la Cour des comptes, en partie grâce à l'augmentation des dépenses d'équipement. Toutefois, sur le temps long, on ne peut que déplorer la baisse importante des dépenses d'investissement et de fonctionnement. Ainsi, de 2006 à 2016, alors que les dépenses de personnel ont augmenté de plus de 30 %, les dépenses de fonctionnement et d'investissement ont connu une baisse de 6,89 %. Cette évolution me semble particulièrement préjudiciable à la capacité opérationnelle des forces qui courent un réel risque de paupérisation.

Le contexte actuel ne me semble pas propice à une évolution favorable dans ce domaine. Les dépenses de personnel devraient en effet être alimentées, dans les années à venir, par les 10 000 recrutements au sein des forces de sécurité intérieure annoncés par le Président de la République et par le dynamisme préoccupant des dépenses de rémunération, objet d'un récent référé de la Cour des comptes. Enfin, cette hausse ne concerne pas les dépenses immobilières, qui ne sont pas dans le champ de l'enquête et constituent également une préoccupation majeure. Elles expliquent la relative stagnation du ratio malgré l'augmentation des dépenses d'équipement.

Cette enquête appelle plusieurs observations. D'abord, la quasi-absence de comparaisons internationales. À la demande de la Cour des comptes, la direction de la coopération internationale (DCI) du ministère de l'intérieur a saisi des attachés de sécurité intérieure dont elle a reçu des contributions d'un intérêt quelque peu limité. Le rapport ne comprend donc que peu d'éléments chiffrés relatifs aux comparaisons internationales - même si l'élu parisien que je suis a pu constater qu'à Berlin, le taux de renouvellement est deux fois plus important qu'à Paris. Cela ne fait-il pas obstacle à une meilleure identification des besoins et des matériels ? Le ministère de l'intérieur songe-t-il à effectuer une comparaison sérieuse des niveaux de dépenses d'équipement des forces de sécurité intérieures des grands pays européens ?

Le rapport confirme le vieillissement général du parc automobile. Le taux actuel de renouvellement, tant en police qu'en gendarmerie, ne permet que de ralentir son vieillissement : le remplacement de moins d'un dixième du volume en véhicules légers conduit, alors que les critères de réforme s'établissent à huit ans, à les faire glisser vers les dix ans. Sur la période 2012-2016, le vieillissement des véhicules est supérieur à deux ans dans la police nationale ; l'âge moyen des seuls véhicules légers est passé de 3,65 ans à 5,75 ans au 1er janvier 2017. De nombreux véhicules remplissant les conditions de réforme sont encore en circulation, dans une proportion de 65 % dans la police nationale.

Un plan visant à enrayer le vieillissement du parc automobile est-il envisagé par le ministère de l'intérieur ? Une réflexion stratégique sur la consistance souhaitable du parc automobile est-elle prévue ? Les besoins du terrain seront-ils mieux pris en compte par la direction générale de la police nationale ? Ainsi, les véhicules de la brigade anti-criminalité (BAC) ne sont pas toujours compatibles avec la lourdeur de l'armement transporté dans le coffre. Des solutions utilisées à l'étranger, comme le recours à la location au Royaume-Uni, n'engendreraient-elles pas des économies substantielles ?

Pouvez-vous revenir sur le rôle de l'Union des groupements d'achats publics (UGAP) dans l'achat des véhicules ? Une reprise de cette compétence par le Saelsi ne permettrait-elle pas de gagner en efficacité ?

Concernant l'habillement, le système de compte à points permet à tous les personnels actifs de commander des effets d'uniformes, comme des gilets pare-balles ou des chaussures, sur un catalogue prédéfini. Toutefois, malgré les améliorations relevées par la Cour des comptes, de nombreux agents continuent à effectuer certains de leurs achats en dehors du catalogue, ce qui est bien évidemment interdit. Il n'est pas rare de voir autant de paires de chaussures différentes que d'agents au sein d'une même brigade. Ceci s'explique, selon les agents, par le faible nombre de points, par des délais de livraison trop importants et par la mauvaise qualité de certains équipements présents sur le catalogue. Quelles pistes d'amélioration envisagez-vous ?

L'armement de la police et de la gendarmerie a connu des évolutions récentes majeures ces dernières années, et le rapport relève que les conséquences induites, en particulier sur la formation au tir, ont été insuffisamment anticipées. La situation est critique dans la police. En 2017, 51 % des policiers n'avaient pas bénéficié de ces trois séances réglementaires. L'accès aux stands de tir constitue une difficulté récurrente. Quelles mesures sont prévues pour enrayer ce phénomène ? Est-il envisagé de faciliter l'usage de stands de tir privés en police nationale, en simplifiant leur homologation ?

Enfin, le rapport évoque de nombreuses pistes de mutualisation des achats, soit entre les deux forces, soit avec d'autres administrations comme l'armée ou la douane. Est-il possible de chiffrer les économies potentielles ? Y a-t-il des pistes avancées à moyen terme dans ce domaine ?

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