La proposition de loi qui vous est soumise aujourd'hui vise à renforcer l'attractivité de la France en termes de recherche clinique, notamment en renforçant l'efficacité du tirage au sort des comités de protection des personnes, les CPP. Je vous rappelle que tout promoteur de recherche impliquant la personne humaine doit se soumettre à cette procédure pour obtenir un avis éthique sur son projet.
Ce texte, auquel j'étais favorable à l'Assemblée nationale, contribue à l'une des priorités du Gouvernement : maintenir et renforcer l'attractivité de la France en matière de recherche impliquant la personne humaine, tout en assurant la sécurité des personnes qui s'y prêtent. En effet, aujourd'hui, la France figure parmi les trois pays européens les plus attractifs en matière de recherche clinique aux côtés de l'Allemagne et de la Grande-Bretagne, mais, depuis quelques années, elle accuse un retard qui augmente, concernant notamment les essais cliniques de phase 1. Nous devons rattraper ce retard, non seulement pour tenir notre place dans ce domaine, mais parce que nous pensons que nous pouvons être un leader mondial. Le fait d'être attractif pour les essais de phase 1 permet aux patients français d'accéder plus rapidement aux innovations, car il permet un accès accéléré aux médicaments innovants.
C'est la raison pour laquelle le Premier ministre a souhaité que le renforcement de l'attractivité de la recherche clinique française soit un des axes prioritaires du 8e conseil stratégique des industries de santé (Csis). Nous nous sommes fixé un délai de cinq ans pour faire de nouveau de la France le premier pays européen en recherche clinique. Je cite le Premier ministre : « Ces dernières années, l'allongement des délais d'autorisation a entravé [l']essor [des essais cliniques] et tout le monde en pâtit : la recherche, les patients et l'industrie, ce n'est plus tenable. Nous voulons réduire drastiquement les délais en les abaissant, dès 2019, à 45 jours pour l'agence nationale de sécurité du médicament et à 60 jours pour les autorisations émanant des comités de protection des personnes. » Atteindre cet objectif suppose évidemment la mobilisation de tous les acteurs : d'une part, celle de l'agence nationale de sécurité du médicament (ANSM), qui a d'ores et déjà adapté son organisation en mettant notamment en place une phase pilote de fonctionnement selon les exigences du règlement européen relatif aux essais cliniques ; d'autre part, il faut que les promoteurs et, bien sûr, les CPP s'adaptent. Je tiens à souligner à ce propos que les membres des CPP, qui sont des bénévoles et mènent en parallèle leur carrière, réalisent leur mission, malgré toutes les difficultés rencontrées, avec un dévouement qu'il faut saluer.
Cette proposition de loi apporte une solution à un point de cristallisation de la mise en oeuvre, en novembre 2016, de la réforme de la loi Jardé. Il s'agit, vous le savez, du dispositif d'attribution purement aléatoire par un système d'information d'un dossier émanant d'un promoteur à un CPP. Cette proposition de loi permet de maintenir l'exigence de déontologie forte qui a été légitimement voulue lors de la mise en place de ce tirage au sort, c'est-à-dire s'assurer de l'absence de tout conflit d'intérêts. Il s'agit bien d'améliorer le tirage au sort, et non pas de le remettre en cause par un mécanisme qui reviendrait à une spécialisation des CPP, tout en répondant à la volonté des personnes malades et des professionnels de santé d'accéder dans les meilleurs délais aux traitements innovants.
Il est certain que le tirage au sort a eu pour conséquence un allongement du rendu des avis des CPP, notamment du fait de la complexité de la compréhension de certains médicaments ou dispositifs innovants. Il a aussi conduit à un changement brutal d'organisation de certains CPP qui ont du mal à faire face à un flux continu de dossiers, compte tenu des dates de réunion préalablement fixées. Il a aussi mis en évidence le fait que certains CPP ne disposent pas de compétences pour les sujets les plus complexes, je pense notamment aux essais pédiatriques. Ce manque de compétences les empêche de rendre un avis dans les délais réglementaires.
Le critère de disponibilité permettra donc de réguler plus finement l'attribution des dossiers et leur examen dans les délais prévus par la réglementation. En effet, les travaux de la Commission nationale des recherches impliquant la personne humaine (Cnriph) ont permis de montrer que le tirage au sort d'un CPP devait avoir lieu dans un délai compris entre le 21e et le 30e jour avant une séance du CPP, afin de permettre que le dossier soit examiné à la séance suivante. Dans le cas contraire, le délai nécessaire à l'instruction ne permettra pas au CPP d'étudier le dossier à la séance suivante, et donc de rendre son avis dans les délais réglementaires. Ce critère permettra aussi de prévoir un nombre de dossiers traités par les CPP afin d'éviter leur engorgement, de lisser leur activité dans le temps, et donc d'éviter un retard dans l'examen des dossiers.
Le critère de compétence permettra aussi de résoudre la question du défaut d'expertise de certains CPP, notamment pour l'examen de projets de recherche sur des thèmes très particuliers. La Cnriph a réalisé une enquête qui montre que certains CPP rencontrent des difficultés à recourir à certaines expertises, ce qui les conduit donc à rendre leur avis très au-delà des délais réglementaires.
Le critère de compétence permettra d'aider les CPP, compte tenu de leur composition et de leur capacité à recourir à l'expertise, à déclarer eux-mêmes, de façon transitoire, qu'ils ne sont pas en mesure d'évaluer un certain type de dossier. Soyons clairs : je souhaite que l'ensemble des CPP conserve une compétence générale pour donner un avis sur l'ensemble des dossiers de recherche. L'introduction des deux critères de disponibilité et de compétence ne ralentira pas les processus d'instruction, bien au contraire. Ces critères contribueront grandement à rendre efficient le tirage au sort ; ils sont à la fois nécessaires et suffisants pour répondre à l'enjeu, à savoir la diminution drastique des délais d'autorisation d'essais cliniques dont chaque acteur aujourd'hui pâtit, en premier lieu les patients.
Cette proposition de loi intervient alors même qu'un ensemble d'actions visant à l'amélioration du fonctionnement des CPP, piloté par la Cnriph et le ministère de la santé, est déjà engagé. En effet, la Cnriph travaille aussi à l'amélioration des conditions d'exercice des CPP. Elle a d'abord travaillé à la clarification de l'environnement réglementaire et à la qualification des recherches. Elle finalise actuellement une grille commune d'évaluation des dossiers. Elle a engagé un travail de formation des membres et des secrétaires. Une agence comptable unique, commune à l'ensemble des CPP, sera mise en place en janvier 2019, ce qui simplifiera le travail budgétaire et comptable des CPP.
Il convient enfin de rappeler que nos travaux s'inscrivent dans un cadre réglementaire européen en évolution. Les règlements européens portant sur les essais cliniques de médicaments à usage humain et les dispositifs médicaux de diagnostic in vitro entreront en vigueur, respectivement en 2020 et 2022. Dans le cadre de ces futurs règlements européens, un CPP qui ne répondrait pas dans les délais prévus rendrait, par défaut, un avis favorable. Cela serait très préjudiciable à la sécurité des personnes se prêtant volontairement aux essais cliniques. Il est donc indispensable de permettre aux CPP de rendre des avis de qualité dans les délais attendus. C'est ce que permet cette proposition de loi.
Je m'engage par ailleurs à mettre tout en oeuvre, d'un point de vue tant réglementaire qu'opérationnel, pour que cette proposition de loi puisse être applicable le plus rapidement possible. Comme vous le voyez, nos travaux ont le même objectif : renforcer la recherche clinique française au profit des malades, mais aussi de leur sécurité.