Intervention de Pierre Médevielle

Réunion du 25 septembre 2018 à 16h45
Relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire — Rejet en nouvelle lecture d'un projet de loi

Photo de Pierre MédeviellePierre Médevielle :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je ne reviendrai pas sur les conditions dans lesquelles s’est déroulée la CMP, dont l’échec nous conduit à siéger aujourd’hui. Les rapporteurs de la commission des affaires économiques les ont clairement exposées, et je partage pleinement leur avis et leur sentiment de gâchis !

Je souhaiterais concentrer mon propos sur quelques sujets dont nous nous étions saisis en première lecture.

Concernant tout d’abord l’article 11 ter, je regrette fortement que l’Assemblée nationale soit allée plus loin qu’en première lecture, notamment sur la question de l’utilisation par la restauration collective scolaire des contenants alimentaires de cuisson, de réchauffe et de service en matière plastique. En les interdisant purement et simplement au 1er janvier 2025, ou au 1er janvier 2028 pour les collectivités de moins de 2 000 habitants, elle adopte une méthode qui me semble tant intellectuellement insuffisante que trop radicale. Intellectuellement insuffisante, car s’il est avéré que ces contenants sont nocifs, pourquoi attendre 2025 pour les interdire ? Trop radicale, dans la mesure où nous n’avons pas, à ce jour, la preuve de leur nocivité, ni celle de l’innocuité des contenants qui viendront les remplacer.

Quant à l’interdiction des bouteilles d’eau plate en plastique dans la restauration collective scolaire, mon sentiment est que nous devrons réfléchir de manière beaucoup plus approfondie et globale – et moins « au coup par coup » – aux problèmes immenses que la production de ce plastique pose aujourd’hui dans le monde.

Je me réjouis en revanche que l’Assemblée nationale ait conservé l’interdiction, dès 2020, des pailles et des bâtonnets mélangeurs en plastique pour boissons, que nous avions adoptée au Sénat. Je suis par contre réservé sur l’extension, à mon sens un peu trop générale, de cette interdiction aux couverts, piques à steak, couvercles à verre jetables, plateaux-repas, pots à glace, saladiers et boîtes en plastique.

Je regrette que l’Assemblée nationale ait supprimé, sur votre initiative, monsieur le ministre, l’article 11 quater A, qui avait été introduit par le Sénat et visait à permettre aux parlementaires de saisir l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail, l’ANSES, de manière encadrée. Que craigniez-vous donc de la représentation nationale, monsieur le ministre, quand les associations peuvent déjà bénéficier de cette expertise de qualité ?

J’en viens maintenant aux dispositions relatives aux produits phytopharmaceutiques. Sur ce sujet, notre commission avait défendu une position pragmatique, pour répondre aux inquiétudes de nos concitoyens sur les risques sanitaires et environnementaux associés à ces produits, tout en cherchant des solutions de nature à préserver l’activité des agriculteurs.

Je regrette vivement que l’Assemblée nationale ait systématiquement fait le choix de rétablir les dispositions qu’elle avait adoptées en première lecture, sans aucun égard pour les améliorations objectives que nous avions apportées au texte. Je pense notamment aux articles 14, 14 bis et 15 traitant des pratiques commerciales relatives aux produits phytopharmaceutiques et biocides, pour lesquels notre commission avait proposé des solutions particulièrement équilibrées.

À l’article 14 septies, l’Assemblée nationale a inséré une disposition nouvelle relative à l’utilisation de produits phytopharmaceutiques à proximité des zones habitées, qui reprend partiellement la proposition défendue par notre commission en première lecture, privilégiant une concertation préalable avant d’éventuelles restrictions administratives. Toutefois, la rédaction adoptée vise l’intégralité du territoire national, alors que notre commission proposait de mettre à disposition des acteurs de terrain un outil mobilisable selon les circonstances locales.

Enfin, je regrette profondément la suppression de fait de l’article 14 sexies A, inséré sur l’initiative de notre collègue Nicole Bonnefoy et créant un fonds d’indemnisation des victimes des produits phytopharmaceutiques. Cet article avait été adopté par notre assemblée à l’unanimité en séance plénière, à l’issue d’un scrutin public, et nous nous étions félicités sur toutes les travées de cette avancée significative. La majorité à l’Assemblée nationale et le Gouvernement n’ont proposé, comme seule solution, que la production d’un énième rapport sur le sujet, avec un vague objectif de création d’un tel fonds à l’horizon 2020, dépourvu de toute valeur juridique. Cette décision constitue un vrai recul, monsieur le ministre, mais soyez certain que le Sénat continuera à se mobiliser pour trouver une vraie solution à ce grave problème.

En définitive, nous ne pouvons que déplorer le manque d’ouverture de la majorité gouvernementale sur de nombreux sujets. Nous espérions le maintien de davantage d’améliorations concrètes apportées par le Sénat, ce qui aurait permis de renforcer un texte peu ambitieux depuis l’origine. Faute de moyens et de mesures d’accompagnement suffisants, cette loi ne contribuera que de façon très modeste à la transition vers un modèle d’agriculture plus durable.

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